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Vers un media « La République en marche » : une menace pour la démocratie

Peu de temps avant la première convention de La République en marche (LREM) du 8 juillet, une porte-parole du jeune parti a déclaré que celui-ci allait « se constituer comme un media » pour « casser la lecture uniquement politique des partis ». Cette déclaration (plutôt inquiétante) s’inscrit dans la dynamique globale menée de front par Emmanuel Macron : un […]

Peu de temps avant la première convention de La République en marche (LREM) du 8 juillet, une porte-parole du jeune parti a déclaré que celui-ci allait « se constituer comme un media » pour « casser la lecture uniquement politique des partis ». Cette déclaration (plutôt inquiétante) s’inscrit dans la dynamique globale menée de front par Emmanuel Macron : un court-circuitage systématique des médias – soi-disant ineptes à s’adapter à sa « pensée complexe » – accompagné d’un choix méticuleux des journaux autorisés à le suivre, et d’une communication directe avec les Français. En créant un journal destiné à la communication du parti de la majorité présidentielle, subventionné grâce à la victoire de LREM aux législatives, nous assistons à une sorte de putsch visant à annihiler le quatrième pouvoir et amoindrir le « libre marché des idées », essentiel à la vitalité de notre démocratie…

« Si les médias n’y vont pas, on ira »

La convention de LREM qui s’est tenue samedi 8 juillet à Paris avait pour but de déterminer les grands axes à suivre pour le développement du jeune parti, déjà fort de ses 373 000 adhérents revendiqués. Mais de cette convention, rien n’aura été retenu à part la déclaration d’une porte-parole du parti, la veille du rassemblement. Cette dernière a annoncé que le parti fondé par Emmanuel Macron voulait « se constituer comme un média » et souhaitait « recruter des rédacteurs et des vidéastes pour faire connaître les initiatives et les messages de ses adhérents sur le terrain » pour montrer « cette dynamique de l’engagement citoyen », avant d’ajouter : « si les médias n’y vont pas, on ira ». Mais de quel engagement citoyen parle-t-on ? De l’admiration béate d’une poignée d’admirateurs d’un monarque méprisant qui redoute l’information libre ? Ou de l’engagement réel de ces milliers voire millions de citoyens qui agissent quotidiennement au nom d’une cause qui dépasse la simple logique partisane (et qui sont déjà relayés, peut-être insuffisamment certes, par un certain nombre de médias indépendants) ?

L’ère de l’infotainment

Pourtant, LREM n’ont rien inventé. D’une part, les formes de la communication politique se sont engagés dans cette voie depuis une vingtaine d’années déjà. Avec le développement des technologies de diffusion massive de l’information, les personnalités politiques se sont tournées vers ce qu’on appellerait aujourd’hui « l’infotainment » (un mot-valise anglais qui désigne ce mélange d’information et de divertissement). Un bel exemple de ce phénomène reste sans doute la magnifique prestation de Florian Philippot sur Youtube. Moins ludiques mais tout autant destinés à une communication politique où la forme prévaut sur le fond du message, on trouve les magazines papiers payants comme Les Républicains magazine.

La pensée de Macron trop « complexe » pour les médias

D’autre part, la logique d’une communication plus directe passant par la critique implicite des médias, est directement inspirée de la démarche d’Emmanuel Macron. Rappelons que notre président a la fâcheuse tendance à décliner gentiment les propositions d’interviews journalistiques (il n’a donné qu’une seule interview depuis son investiture), à s’adresser aux Français presque exclusivement via les réseaux sociaux ou encore à choisir les médias qui seront autorisés à le suivre. De manière générale, Emmanuel Macron s’est éloigné des médias sous prétexte que sa pensée était trop « complexe » pour un jeu de question-réponse direct. Peu de temps après il évoquait lors de l’inauguration de la Station F, les « gens qui ne sont rien », encore un révélateur de l’estime qu’il porte pour « cette dynamique de l’engagement citoyen ».

Liberté presse

La liberté de la presse déjà mal en point n’a pas besoin d’un média de propagande

On pourrait se dire qu’après tout, nous n’avons rien à craindre d’un média partisan qui relayerait des initiatives décentralisées et vanterait les mérites des adhérents de La République en marche, qui eux, ne « sont pas rien ». Pourtant cette annonce représente une nouvelle menace pour la démocratie. Outre le fait que la création d’un média relayant les activités du parti (presque unique) ressemble fortement à un organe de propagande, il s’agit aussi d’une nouvelle atteinte à l’indépendance de la presse qui n’est déjà pas très en forme. Dans son rapport annuel sur la liberté de la presse, Reporters Sans Frontières alertait déjà de la situation alarmante en France. En 39ème position, la France est décrite comme un pays où « certains responsables politiques multiplient les attaques verbales contre ‘’les médias menteurs’’ » et où « le nombre de ceux qui les détiennent s’amenuise peu à peu, aggravant ainsi leur dépendance aux pouvoirs politiques et économiques ». (Pour une piqûre de rappel, sur la situation de la presse et de ses relations avec le pouvoir politique et financier en France, on ne saurait que vous (re)conseiller Les Nouveaux Chiens de Garde de Serge Halimi et le documentaire réalisé par Jacques Kirsner.)

Libérons les idées !

Ainsi, c’est le « libre marché des idées », ce fondement de notre régime démocratique qui défend la perpétuation d’une « discussion critique » au sein de l’espace public, qui est menacé. En multipliant les canaux d’informations reliés d’une façon ou d’une autre à la sphère politique ou financière, on réduit l’expression d’idées à proprement parler critiques en taisant les voix de tous ceux qui n’existent ni dans cette sphère ni dans l’autre. Pour que les médias restent un contre-pouvoir (s’ils le sont toujours), il faut éviter à tout prix que le pouvoir accapare ces canaux de diffusion. D’autant plus dans cette ère de la diffusion massive où la technique de communication politique permet faire la publicité insidieuse de mauvaises mesures. Soulignons également que c’est grâce aux subventions destinées aux partis politiques (dont le montant varie selon le score obtenu) que LREM vont pouvoir créer ce média. Or ces subventions proviennent de l’argent public, de l’impôt des contribuables.

Malgré le discours alarmiste, évidemment que le monde ne va pas s’effondrer, ni même notre démocratie (du moins je l’espère). Mais il ne faut pas faire de la création du « média du parti majoritaire » un geste anodin. L’ombre d’une technique de gouvernement inspirée des organes de propagande continue de planer malgré tout. Et l’histoire nous a appris que cela ne devait surtout pas être normalisé.

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