Depuis 2013, le Parlement français a décrété qu’il serait interdit de couper l’eau dans les résidences principales pour factures impayées (loi Brottes). Accusé par France Libertés et Coordination Eau Ile-de-France de ne pas respecter cette loi, Véolia a entamé des procédures pénales pour diffamation…
Une bataille judiciaire de longue haleine
Véolia n’en est pas à son galop d’essai. Déjà en février 2015, la multinationale avait voulu exercer son influence sur le Parlement (notamment via le député LR Christian Cambon, lui-même vice-président du Syndicat des eaux d’Ile-de-France, principal contrat de Véolia en France) pour demander un amendement à la loi Brottes autorisant de nouveau les coupures d’eau, sauf pour les bénéficiaires d’aides sociales. Evidemment les associations avaient défendu que nombre de travailleurs pauvres n’avaient pas recours aux aides sociales et que cette proposition d’amendement niait la réalité sociale au nom d’une logique marchande qui, apparemment, primerait sur toute mesure de respect et de dignité humaine. Par ailleurs, les multinationales du secteur avaient été à plusieurs reprises menées en justice pour coupure d’eau par « lentillage » (procédé par lequel le débit d’eau est progressivement réduit jusqu’à être complètement arrêté). En tout, quatorze décisions de justice ont été rendues sur de tels cas, et Véolia arrive en tête avec quatre d’entre elles la visant directement.
Recours au « procès baillon »
Toujours dans le cadre de cette bataille judiciaire de longue haleine, les deux associations – France Libertés et Coordination Eau Ile-de-France – avaient dénoncé publiquement des avenants proposés par les prestataires privés aux collectivités avec lesquelles elles sont encore en contrat, pour leur faire supporter le coût financier des impayés. Mais il semblerait que Véolia ne veuille plus se laisser faire, puisque cette dernière a riposté en trainant les deux associations en justice pour diffamation. « À court d’arguments, [Veolia] tente de saper notre liberté d’expression et cherche à nous réduire au silence ! Cette attaque n’a pas d’autre but que de nous bâillonner. » ont dénoncé les deux associations. De même, il semble que la plainte concerne davantage la forme que le fond de la plainte de France Libertés et Coordination Eau Ile-de-France, ce qui pourrait faire du procès initié par Véolia un exemple type de ce qu’on appelle les « procès baillons », visant à intimider les opposants par des procès couteux difficiles à suivre.
De plus en plus, les associations défendant la justice contre les multinationales sont réduites au silence par des « procès baillons » similaires (telles que les poursuites initiées par Vinci contre Sherpa ou encore par Bolloré contre de nombreux médias ou associations). Le Canada a pour sa part mis en place une loi permettant d’empêcher aux multinationales d’avoir recours à ces techniques profondément injustes et déloyales ; reste à attendre que la France fasse de même…

Commandez votre nouveau Livre-Journal en cliquant sur l’image !