« Mai 68 : ils commémorent, on recommence ». Ce graffiti barre depuis le 22 mars dernier le socle de la statue de Marianne place de la République à Paris. Un symbole évident cinquante ans jour pour jour après le mouvement du 22 mars 1968 de la faculté de Nanterre. Ainsi, le gouvernement commémore cet évènement de l’histoire française tout en voulant éviter à tout prix une récidive. Et pourtant, comment ne pas sentir cette odeur de rage et de révolte que porte ce vent printanier et qu’on hume dans les amphithéâtres des facultés françaises. De Paris à Toulouse en passant par Montpellier et Lille, les luttes contre le pouvoir se multiplient. Qu’illustrent-elles ? Le ras-le-bol général d’une politique gouvernementale qui met en marche les entreprises vers les profits et laisse en marge les plus démunis, étudiants, fonctionnaires, réfugiés, chômeurs ou encore cheminots.
La loi Vidal, du nom de la ministre de l’enseignement supérieur, sera peut-être, avec du recul, l’étincelle qui déclencha ce potentiel mouvement étudiant qui reste aujourd’hui à son état embryonnaire. L’objectif de ce projet de loi est de changer les procédures d’admission à l’université. Les élèves des licences à capacité limité étaient auparavant tirés au sort. Ils seront maintenant sélectionnés sur des critères scolaires (notes, bulletins scolaires, lettre de motivation…).
Ce tri entre bons et mauvais élèves ne fera qu’augmenter les inégalités scolaires entre ceux qui détiennent du capital social et qui n’en ont pas. Il réduira aussi les possibilités d’émancipation personnelle par la fac, créera, de facto, des bonnes et mauvaises licences et supprimera, ainsi, toute mixité scolaire. Comment accepter cela ? Plusieurs universités ne le peuvent pas et l’affichent clairement.
Blocages, assemblées générales, occupations, tractage à la sortie. Une animation symbole de colère, mais aussi d’organisation, de discussion, de rassemblement et de convergence. Une convergence qui rappelle subtilement Mai 68 mais aussi plus récemment le mouvement Nuit Debout. Une convergence entre des luttes sur des problématiques universitaires et des luttes plus globales, contre le monde qu’Emmanuel Macron promet et promeut. Une jeunesse qui refuse par exemple la politique migratoire du gouvernement. Plusieurs occupations de bâtiments sont ainsi en cours, à Paris 8, à Paris 6, à Grenoble ou encore à Lyon et à Nantes.
On occupe pour que des réfugiés puissent être logés au chaud et à l’abri. Pour Lucie (le prénom a été modifié), une étudiante parisienne, « le mouvement étudiant est porté par deux dynamiques: d’une part les occupations de facs pour héberger les réfugiés, d’autre part la mobilisation contre le Plan Etudiant de la ministre Frédérique Vidal, un plan élitiste ». Elle ajoute sur ce dernier point « on ne veut pas que les facs soient gérées comme des start-ups, avec un principe de méritocratie injuste ».
Cette dynamique s’articule également avec la mobilisation contre la méthodique destruction de la fonction publique du gouvernement d’Edouard Philippe et contre la réforme de la SNCF, mobilisation plus globale mais dans laquelle les étudiants comptent bien jouer un rôle.
« Le mouvement étudiant est porté par deux dynamiques : d’une part les occupations de facs pour héberger les réfugiés, d’autre part la mobilisation contre le Plan Etudiant de la ministre Frédérique Vidal, un plan élitiste »
Plusieurs cortèges lycéens et étudiants étaient ainsi présents jeudi dernier, à Paris et dans toute la France pour le lancement d’un mouvement social qui veut s’inscrire dans la durée. Cette mobilisation est portée par des mouvements autonomes, mais aussi par des syndicats étudiants tels que l’UNEF qui marchait, jeudi dernier, aux côtés des services publics. A Lille, Montpellier ou encore à Paris, et Strasbourg des amphithéâtres sont ou ont été occupés pour prendre part à cette mobilisation. La très violente évacuation à Montpellier a beaucoup fait parler et ne peut, à terme, qu’augmenter la colère qui monte de plus en plus chez les étudiants.
A eux, à nous, citoyens, de continuer ce mouvement printanier pour définitivement « recommencer ».
Crédits photo de couverture : Edouard Richard / Hans Lucas

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