L’article 57 du projet de loi de finances pour 2020 prévoit de permettre à l’administration fiscale et aux douanes de surveiller les plateformes Internet tels que les réseaux sociaux et les sites de e-commerce. L’objectif cité : lutter contre la fraude fiscale.
Des atteintes aux libertés
Saisie en urgence en août, la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) a averti sur les risques d’atteinte au droit à la vie privée et au droit à la liberté d’expression.
La Quadrature du Net, association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, s’est également emparée du sujet. Elle explique que le fait que les données soient collectées « en masse » – selon les termes du gouvernement lui-même – signifie que la totalité des utilisateurs de ces sites pourra être concernée. Peu importe leur nationalité, la nature des propos tenus et leur pertinence pour la lutte contre la fraude fiscale, les données personnelles des internautes seront collectées.

L’algorithme pourrait également traiter des données privées qui n’ont pas été rendues publiques par les personnes directement concernées. Autrement dit, ce que dira votre voisin pourra être retenu contre vous.
Des risques d’abus de pouvoir
L’administration aura donc accès à des données sensibles, dont celles pouvant révéler l’opinion politique ou religieuse et l’orientation sexuelle. Cependant, elle n’est pas soumise à un contrôle extérieur concernant sa manière de collecter et de traiter les données. L’algorithme qu’elle utilise n’est pas transparent. De plus, aucun chiffre, aucune évaluation n’ont été présentés par le gouvernement pour documenter les effets positifs de cette mesure.
De nombreux délits sont visés par l’article de loi, comme le fait d’omettre des éléments pour minorer son impôt, ou la vente illicite de produits tels que le tabac.
Au-delà de la lutte contre la fraude fiscale, cette loi pourrait constituer la porte ouverte à l’utilisation des données internet pour repérer la fraude aux allocations, identifier des résidents étrangers ou encore faire du fichage politique.
Une mesure injustifiée
Pour la Quadrature du Net, il s’agit ici de « prendre un bazooka pour tuer une mouche. » La mesure s’avère disproportionnée par rapport aux types de délits concernés, et engendre des risques d’atteintes aux droits et libertés beaucoup trop importants. Elle est d’ailleurs contraire à la Constitution, au droit de l’Union européenne et au droit de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme).
« Il n’est pas admissible, dans une démocratie, d’accepter de surveiller toute une population pour retrouver, éventuellement, quelques fraudeur·euses. » dénonce l’association.
Ses représentants ont rencontré la semaine dernière le rapporteur de la commission des lois (Philippe Latombe, groupe MoDem) pour demander la suppression de cet article. Leur revendication n’a pas été entendue. Le texte étant encore en discussion à l’Assemblée nationale, ils ont appelé l’ensemble des députés à supprimer cet article 57.