Eh oui, la bêtise a enfanté un nouveau projet pharaonique à la pointe de la pyramide du greenwashing. « Tropicalia », un écosystème qui veut permettre à des milliers de visiteurs d’échapper au froid légendaire du Nord de la France pour aller côtoyer les cascades, les lagons, les papillons, crocodiles et autres merveilles typiquement ch’tis.
50 millions d’euros d’investissement pour un projet qui devrait commencer en 2019 avant de voir le jour en 2021 et attirer près de 500 000 visiteurs par an tout en créant une centaine d’emplois : voilà l’argument qui a sans doute aidé les élus locaux à supporter le projet de Cédric Guérin et Nicolas Fourcroy. Baptisé Tropicalia, il s’agit d’une serre géante de 20 000m2 – la « plus grande serre tropicale du monde » – implantée au cœur du Nord-Pas-de-Calais entre Berck-sur-Mer et Rang-du-Fliers sur la côte d’Opale.

Plus besoin de voyager, un simple ticket d’entrée vous permettra de vous promener sous 26 à 28°C au milieu des papillons, des oiseaux, caïmans et tortues, au détour d’une cascade ou d’un lagon. Must du chic : les visiteurs pourront caresser des carpes Koï dans l’un des trois bassins du parc. Mais écoutons plutôt Nicolas Fourcroy parler de son projet avec passion :
« L’un des moments fort ce sera de passer sous une immense cascade de 25m de hauteur : les visiteurs seront émerveillés de se retrouver parmi 8 000 papillons, avec des oiseaux nectarivores, un lagon reconstitué, et un bassin avec des caïmans. Toute la thématique du tropical sera développé. »
Il est évident qu’on a rarement mis autant d’animaux dans une même boîte chauffée, ça a de quoi nous en boucher un coin. Mais il va bien falloir chauffer l’immense édifice pour en assurer le climat tropical (moins la mousson bien sûr, beaucoup moins vendeuse). D’après les fondateurs du projet, aucun souci à avoir, la serre sera « écolo » !

Ils auraient en effet trouvé un système permettant de recycler la chaleur qui s’accumule au sommet du dôme pour la réutiliser directement. Grâce à cette technique, la serre serait autonome en énergie jusqu’à -5°C en extérieur.
Dans son communiqué, l’entreprise porteuse du projet explique :
« En été, ou par très beau temps, le double dôme portera à haute température une lame d’air qu’un dispositif échangeur thermique va, après aspiration, transférer les calories de l’air à l’eau pour être enfin stocker dans des bassins d’eaux chaudes. Cette chaleur sera restituée la nuit ou pendant les périodes les plus froides. L’immense surface du dôme permettra également la récupération des eaux pluviales pour satisfaire les besoins des plantes en eau tout au long de l’année. »
C’est bien connu, le Nord-Pas-de-Calais est au moins la moitié de l’année en excédent de soleil, voilà qui permettra de suffire aux besoins énergétiques du gigantesque complexe… Malgré tout le dispositif technologique mis au point le cabinet Coldefy & Associés Architectes Urbanistes et Dalkia, groupe EDF, chargé de l’efficacité énergétique du lieu, on a du mal à croire en cette véritable prouesse. D’autant plus que le changement climatique annonce des hivers plus rudes, ce qui pourrait contrevenir aux prévisions des ingénieurs et représenter un coût énergétique important.

Doit-on également encore rappeler que déplacer des animaux exotiques dans des environnements artificiels n’a rien d’une bonne idée ? A l’heure où la communauté scientifique alerte sur la sixième extinction de masse et la gigantesque perte de biodiversité que nous sommes en train de vivre, comment peut-il encore se trouver des gens qui croient que mettre cette biodiversité dans une boîte et en faire une attraction pour touristes est une idée raisonnable ?
Et pourtant, Cédric Guérin y croit dur comme fer : « Mon objectif est d’émerveiller les gens pour leur donner envie d’apprendre et de respecter leur environnement. » Commençons par comprendre qu’apprendre et respecter l’environnement, c’est le laisser là où il est, apprendre à interagir avec lui sans le déconstruire pour en faire une sorte de paradis terrestre complètement halluciné.