Depuis 1984, une famille suisse développe des semences anciennes pour les rendre accessibles à tous. A travers la conservation et la vente de semences paysannes libres de droit, ils souhaitent préserver notre biodiversité alimentaire et le savoir-faire des jardiniers.
Un trésor génétique préservé
L’entreprise familiale Zollinger a été fondée en 1984 entre le Lac Léman et les Alpes, dans la commune des Evouettes. Après leurs études, les deux ingénieurs agronomes ayant fondé l’exploitation ont réalisé que beaucoup de variétés anciennes étaient sur le point de disparaître. Ils ont alors décidé de répertorier et développer ces semences anciennes pour les vendre en libre reproduction, c’est à dire que les jardiniers et maraîchers qui les achètent une première fois sont libres de les multiplier et ressemer eux-mêmes l’année d’après. En 1986, le premier catalogue comprenait seulement 12 variétés, aujourd’hui ils en proposent plus de 450.

« Quand on parle de biodiversité, on pense souvent aux animaux et aux insectes, mais cela comprend aussi toute la biodiversité des plantes potagères, cet énorme trésor créé pendant des siècles par des générations d’agriculteurs, de maraîchers et de jardiniers. » Tulipan Zollinger, semencier
Pour trouver leurs semences, les Zollinger fonctionnent sur le bouche-à-oreille, le don par des particuliers ou des jardiniers qui prennent leur retraite, l’héritage d’une génération à une autre au sein d’une famille. Une fois les meilleurs spécimens sélectionnés, les Zollinger multiplient leurs graines sur plusieurs récoltes : il faut ainsi entre trois et cinq ans pour qu’une variété soit disponible dans le catalogue.

« Pour nous, une variété vivante, c’est une variété qui est semée, cultivée et utilisée. Les différentes semences que nous proposons sont souvent reliées à un territoire et un biotope particulier. Nous choisissons les semences en fonctions de leur goût, leur qualité et le fait qu’elles soient adaptées à la culture vivrière. Nous voulons donner aux gens le plaisir du goût et de jardiner, loin des variétés standardisées par les grands semenciers. La rose de Berne est pour moi LA meilleure tomate en goût, mais le fruit s’abîme vite, il faut donc la manger rapidement après la cueillette. Impossible de la transporter en camion pendant quatre jours comme c’est le cas pour de nombreux fruits et légumes dans les supermarchés. » Tulipan Zollinger, semencier
Le système industriel face à ses propres limites
Avant la révolution verte, les variétés s’amélioraient de générations en générations, les graines des meilleurs plants étaient conservées pour les ressemer l’année d’après : chaque village avait donc des semences adaptées à son climat, son terroir et ses préférences gustatives. La Révolution Verte a gravement endommagé ce savoir-faire traditionnel en créant des variétés hybrides dépendantes d’intrants chimiques.

Dans les années 1980, les semenciers industriels se sont retrouvés face à un problème : la diversité des semences s’était tellement appauvrie qu’ils n’avaient désormais plus un nombre de gènes suffisant pour la création d’espèce hybrides. Heureusement, le travail accompli par la famille Zollinger et d’autres semenciers résistants a permis de préserver ce patrimoine alimentaire, les mettant à disposition du grand public et des paysans.
« En Suisse, on assiste à un renouveau de l’agriculture locale, avec des magasins à la ferme, et plein de gens qui se mettent au jardinage depuis les cinq dernières années. Alors que nos anciens clients avaient un énorme savoir-faire, cette nouvelle génération qui se met au jardinage n’a jamais appris et a besoin de monter en compétences. Nous leur proposons donc des conseils plus précis sur les semis, la récolte et ce qu’il faut faire tout au long de l’année, mais aussi des tutos vidéos. » Tulipan Zollinger, semencier

Les semences anciennes, grâce à leur richesse génétique, sont les plus appropriées pour s’adapter au dérèglement climatique. Les Zollinger participent ainsi à l’Agroscope de Gênes, un laboratoire de semences qui mène de nombreuses recherches pour créer des variétés résistant bien aux intempéries climatiques. Le semencier helvète l’affirme : « En sélectionnant ces anciennes variétés, on arrive à faire des mises à jour et les rendre plus fortes face aux nouvelles maladies, ce n’est que comme ça qu’elles continueront à avoir un futur. »