À quelques centaines de mètres de l’Atlantique, un projet de surf park suscite une vague d’indignation en Vendée. Dénoncé pour son opacité, son artificialisation du littoral et ses risques environnementaux, il incarne les dérives d’un modèle de développement tourné vers le loisir et le tourisme au mépris de la démocratie locale et de l’écologie.
Talmont-Saint-Hilaire pourrait bientôt accueillir une infrastructure de surf artificiel d’envergure, et ce, à seulement 250 mètres de l’océan Atlantique. Porté par la société « Les Frangines », le complexe prévoit deux bassins extérieurs de 120 mètres de long avec un système générant des vagues en continu, une zone sur pilotis avec des restaurants, des magasins et des espaces bien-être, ainsi qu’un parking de deux étages surmonté de panneaux photovoltaïques. Une fosse de plongée de 40 mètres de profondeur, envisagée au départ, a finalement été abandonnée.
Le projet – initialement présenté comme une simple « extension et restructuration de l’aquarium existant » – couvrira 4,26 hectares et doublera la consommation électrique du site actuel. L’eau de mer – pompée par des structures déjà utilisées pour l’aquarium – sera filtrée et traitée avant de remplir les bassins. Une partie sera également dessalée avant d’être réintroduite pour compenser l’évaporation, sans précisions sur le traitement et le rejet de la saumure produite.
Un manque de transparence qui inquiète
Mais ce n’est pas seulement la démesure technique du projet qui scandalise. C’est également l’opacité qui l’entoure qui questionne les citoyens. Dès juin 2024, le projet bénéficie d’un feu vert préfectoral et se voit dispenser d’une étude d’impact environnemental et, en septembre, le maire de Talmont, Maxime de Rugy, accorde un permis de construire au promoteur. Le tout, sans débat public, ni information officielle aux habitants.
« Tout a été fait pour que ce projet-là ne fasse pas de vagues et ne soit pas connu trop de la population », dénonce Stéphane Heron, représentant du collectif citoyen AC de Vagues, qui lutte contre le projet. « Le signalement du permis de construire, on l’a eu trois mois après. Les deux mois de délai autorisés pour le recours contentieux étaient largement passés. »
Un projet à rebours des enjeux climatiques
À l’heure où la sobriété énergétique est invoquée comme un impératif, la légitimité d’un surf park – en bord de mer, qui plus est – interroge.
« Déjà le projet lui-même est un non-sens complet, puisque c’est une piscine à vagues qui est à 250 mètres de l’océan, et dans un endroit en Vendée où il y a beaucoup de spots de surf naturels », précise Stéphane.
Mais au-delà de l’absurdité du projet, certaines zones d’ombre inquiètent les opposants, notamment en ce qui concerne les potentiels impacts sur l’environnement. Le chantier n’excédant pas les 10 ha, l’étude d’impact environnementale n’est pas obligatoire. Mais le site se trouve tout de même à côté d’une zone Natura 2000 et d’une Zone Naturel d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF).
« L’évaluation des incidences Natura 2000 n’a pas été faite, alors que ça, par contre, c’est obligatoire », fustige Stéphane. « Ce sont des structures qui émettent beaucoup de bruit, avec les vagues contre le béton, les moteurs, les événements. […] Ils ne peuvent pas garantir la préservation de la biodiversité dans ces conditions. »
La capacité de pompage interroge également. L’accord actuel entre l’aquarium et la Direction Départementale des territoires et de la mer (DDTM) de Vendée permet à la société de prélever de l’eau de mer à hauteur de 120 m3 par jour. L’aquarium nécessite 30 m3 d’eau quotidiennement, ce qui laisserait théoriquement 90 m3 pour les bassins à vague. À ce rythme, il ne faudrait pas moins de cinq mois pour remplir les 13 500 m3 du surf park. Une incohérence qui, au sein du collectif, fait craindre un éventuel contournement de cette contrainte.
Une « profonde aberration » et une « forme de provocation »
Face à cette opacité et à ce qu’ils qualifient d’« aberration écologique », les citoyens s’organisent. Le collectif AC de Vagues a lancé une pétition, qui a déjà réuni plus de 10 000 signatures. Le 18 juin, il a adressé une lettre au préfet, au maire de Talmont et au président de la communauté de commune, afin d’exprimer la réticence des habitants de voir ce projet se concrétiser et d’exiger la réalisation d’une étude d’impact environnemental.
« Présenter la construction d’une usine à vague comme une extension d’un aquarium en utilisant les autorisations accordées il y a plus de 20 ans, sans les remettre en question à l’aune des évolutions sociétales voulues et affichées, est ressenti par les citoyens consultés par notre collectif comme une profonde aberration, et, disons-le clairement, comme une forme de provocation », peut-on également y lire.
À Talmont-Saint-Hilaire, la lutte contre ce surf park ne fait que commencer, et elle met déjà en lumière l’absurdité derrière ce projet : un littoral naturel sacrifié au nom d’un loisir artificiel, réservé à une minorité, au mépris de l’environnement et de sa préservation.