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Un projet d’irrigation au Darfour rétablit la paix dans une région ensanglantée par la première guerre climatique

La guerre du Darfour a été désignée comme la « première guerre causée par la crise climatique » par les Nations Unies.

Au Nord du Darfour, un projet d’irrigation a mis fin à l’une des premières guerres causées par la crise climatique. En partageant équitablement l’eau et les terres, nomades et fermiers ont retrouvé la paix.

La première guerre causée par la crise climatique

La région occidentale du Darfour, au Soudan, abrite près de 10 millions de personnes pour une superficie d’environ dix fois la taille de la Belgique. Pendant des décennies, les sols, les forêts et les ressources en eau de cette région très aride ont été épuisés à des taux alarmants. En 2003, cette situation a conduit à une guerre qui a duré dix ans, pendant laquelle 300 000 personnes ont été tuées, tandis que des millions d’autre ont dû fuir les violences.

La guerre du Darfour a été désignée comme la « première guerre causée par la crise climatique » par les Nations Unies. En 2007, le secrétaire général de l’ONU alors en poste, Ban Ki-Moon, a ainsi déclaré :

« Au milieu des diverses causes sociales et politiques, ce conflit a commencé comme une crise écologique, survenue au moins en partie à cause du changement climatique. »

Une étude  a montré que les impacts climatiques tels que la sécheresse, la baisse des précipitations (-30 % en 40 ans pour la Région du Darfour) et l’augmentation des températures augmentent le risque de luttes armées, en particulier dans les régions où les populations sont déjà divisées.

Dans le Darfour Nord, la sécheresse a provoqué une première vague de réfugiés, puis la dégradation des sols, les perturbations climatiques et la raréfaction des ressources a conduit à des affrontements sanglants entre les bergers nomades et les fermiers sédentaires, de deux ethnies différentes, alimentés par la dictature autoritaire au pouvoir pendant 30 ans. En avril, une révolution a finalement réussi à renverser le président Omar el-Béchir. Il est actuellement en prison à Khartoum et fait face à des accusations de génocide devant la Cour Pénale Internationale de La Haye.

Le projet d’irrigation Wadi El Ku, créateur de paix

Pourtant, ce n’est pas une révolution armée qui a ramené une paix pérenne autour de la rivière Wadi El Ku, mais un projet d’irrigation mené par les Nations Unies, de 6,45 millions d’euros, en étroite collaboration avec les fermiers et les nomades. L’endroit a été choisi car il se trouvait en plein centre du conflit armé. Le projet Wadi El Ku a commencé par une « conférence de paix » de six jours réunissant sept groupes d’éleveurs et 44 villages d’agriculteurs. Elle a permis une amélioration historique dans les relations entre les deux groupes.

« Au début, ils étaient tous très en colère et criaient beaucoup. Les agriculteurs ont déclaré que ces bergers avaient tué leur peuple. Mais nous leur avons donné du temps et les tensions ont lentement diminué. Cela a pris deux mois. », explique Awadalla Hamid Mohamed, de l’ONG Practical Action, qui met en œuvre le projet des Nations Unies, à The Guardian

La première phase a eu lieu de Novembre 2013 à Avril 2017. Durant cette période, de nombreuse mesures ont été mises en place : 157 personnes formées à la gestion des ressources naturelles, 100 projets familiaux d’agro-foresterie, trois nouveaux réservoirs d’eau construits et un autre rénové, 1584 individus (766 hommes et 818 femmes) de 32 villages formés sur des terrasses en forme de croissant pour un total de 1584 terrasses en forme de croissant bâties, création de 6 pépinières communautaires avec la production de 40 000 plants par an, la construction de barrages et bien d’autres encore. 

Au total, plus de 700 000 personnes ont vu leur qualité de vie s’améliorer. La population a été impliquée dès la conception du projet.

« Plus d’eau, répartie plus équitablement, a produit trois résultats principaux. Tout d’abord, l’augmentation du rendement des cultures. Dans certains cas, les rendements du sorgho et du mil – l’aliment de base de la région – ont triplé dans les endroits touchés par le projet. Deuxièmement, une augmentation des revenus pour les agriculteurs. Sept des 10 agriculteurs interrogés disent que leurs revenus agricoles ont augmenté. Et ils attribuent cela directement au projet. Troisièmement, au Soudan comme partout, l’eau coule en aval. Si l’eau doit être gérée correctement, les communautés tout au long de son cours d’eau doivent être impliquées dans la prise de décision. Et c’est ce qui s’est passé à Wadi El Ku. Le résultat est une contribution à la paix et à la stabilité dans la région. » expliquent Jean-Michel Dumond, ambassadeur de l’Union européenne au Soudan, et Gary Lewis, directeur de la Division des politiques et programmes de l’ONU Environnement.

La mise en place du programme n’a pas été un long fleuve tranquille, des conflits armés sévissant toujours dans la Région. Jusqu’à peu, ses acteurs devaient ainsi être escortés par des soldats pour se déplacer d’un endroit à l’autre. Mais aujourd’hui, les nomades et les fermiers sont conscients de l’importance de s’entraider et coopérer pour partager et préserver au mieux les ressources nécessaires à leurs conditions de vie. Les femmes ont également vu leur pouvoir de décision se renforcer grâce à leur participation au projet, tout en gagnant en qualité de vie : moins d’eau à aller chercher et plus de revenus pour envoyer les filles à l’école plutôt qu’au puits.

« Ces barrages et canaux sont un projet pionnier. Alors que les pluies ont complètement changé d’intensité et d’arrivée à cause de la crise climatique, ces barrages permettent aux gens de retourner dans leurs villages et être plus résilients. J’espère que ce projet va être répliqué dans d’autres parties du Darfour, du Soudan et au-delà. » explique Enaam Ismail Abdalla, directrice générale au ministère de la production dans le Darfour Nord

Forte de ces premiers résultats extrêmement positifs, les Nations Unies ont réinvesti 10 millions d’euros pour la seconde phase du projet Wadi El Ku qui a lieu de Janvier 2018 à Décembre 2021. La protection climatique collective permise par ce projet est un cas exemplaire pour résoudre la combinaison complexe des impacts climatiques, des conflits et des migrations qui devraient augmenter dans le monde.

Image à la une :  Brendan Bromwich

Laurie Debove

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