Il y eut l’école gratuite, l’accès aux soins gratuits. À l’époque, cela pouvait paraître absurde. Aujourd’hui, ce sont des droits acquis. Demain peut-être, nous pourrons regarder de la même manière l’accès au transport, comme un droit fondamental gratuit. C’est en tous cas ce qui se discute parmi les élus et qui s’expérimente sur le terrain des communes. Car derrière la mobilité, il y a la question de l’égalité des chances, de l’ouverture aux autres, du désenclavement social.
C’est une spirale bien connue : des populations périphériques n’ont pas accès aux centres villes, des populations rurales ont comme seule mobilité la voiture. Alors les gens restent chez eux, entre eux, ne se mélangent pas. Avec les transports, c’est l’accès à l’emploi, à la convivialité, à d’autres manières de parler et de socialiser, à la culture, qui leur est interdit.
Depuis vingt ans, le nombre de villes ayant fait le choix de la gratuité augmente. En France, elles sont une trentaine, parmi lesquelles Châteauroux, Gap, Niort, Vitré, Figeac ou encore Castres.
À Aubagne et à Dunkerque, où les transports en commun sont gratuits depuis peu, la fréquentation a augmenté, les chauffeurs de bus ont plus de travail, les parkings payants sont désengorgés, les incivilités ont baissé. Sans doute y a-t-il aussi un facteur culturel, car dans d’autres villes où la gratuité a été testée comme à Bologne en Italie ou Castellon en Espagne, ce fut un échec, les automobilistes ne souhaitant pas abandonner la voiture.

Le chemin semble encore long pour les partisans de la gratuité des transports. La récente Loi sur les mobilités n’a permis que d’aller vers une facilité d’accès. Le modèle de Dunkerque et Aubagne semble difficilement généralisable, Dunkerque étant une ville où les entreprises nombreuses financent une généreuse part du transport. À Aubagne, c’est le versement transport (des employeurs privés ou publics ayant plus de 11 salariés) qui a permis de financer la gratuité. Mais ce choix de la gratuité est menacé par une uniformisation des tarifs de la métropole Aix-Marseille qui engloberait Aubagne.
À l’heure où les lignes se multiplient entre les grandes métropoles mais où les petites lignes ferment, où la fragilité du vivant exige de nous des efforts drastique pour limiter la pollution, le transport est un enjeu majeur. Certes, la gratuité a toujours un coût. Notre santé et celle de la Terre aussi.