Rappelez-vous, on vous en parlait début avril : le revenu universel revient devient une option sérieusement envisagée par plusieurs gouvernements. La ministre de la Sécurité Sociale espagnole annonçait que le revenu universel allait être mis en place au plus vite pour qu’il devienne « un instrument structurel et permanent »
Cette fois-ci, les gouvernements italien, portugais et espagnol voient plus grand, en faisant un appel à l’Europe pour créer un revenu minimum européen. L’appel, publié dans le journal Público, est signé du ministre du travail de la solidarité et de la sécurité sociale portugais Ana Mendes Godinho, du vice-président du gouvernement espagnol, du ministre des droits sociaux et de l’agenda 2030 Pablo Iglesias et du ministre du travail et des politiques sociales italien Nunzia Catalfo.
Les responsables politiques appellent à cet outil comme arme pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Ils insistent sur le fait que ce minimum ne devrait pas se limiter à satisfaire les seuls besoins de survie, mais prompt à établir des conditions de vie décentes selon les niveaux de vie de chaque pays.
« C’est le plus grand défi auquel nous devons faire face depuis la Seconde Guerre Mondiale »
Ils rappellent que ces droits sont constitutifs du droit européen, citant le Socle européen des droits sociaux établi en 2017, article 14, garantissant un revenu minimum :
Des prestations de revenu minimum adéquat doivent être garanties à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour vivre dans la dignité à tous les stades de la vie ; un accès effectif aux biens et aux services doit leur être garanti. Pour ceux qui peuvent travailler, les prestations de revenu minimum devraient être combinées à des incitations à (ré) intégrer le marché du travail.

En Europe, ce serait 113 millions de personnes qui se trouveraient en risque de pauvreté et d’exclusion sociale, et 25 millions d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté.
Pour les représentants de ces trois pays européens particulièrement fragiles, la réponse ne peut être uniquement nationale. Elle doit être à l’échelle européenne et mondiale.
C’est bien le spectre d’une nouvelle crise économique et sociale que ces pays déjà fortement touchés par la précédente crise de 2008, craignent à juste titre. L’Espagne vient d’adresser à l’Union Européenne son plan de stabilité et son plan de réforme. Une chute de 9,2% du PIB est prévue ainsi qu’une dette publique de 115%. Le chômage s’élève à 3,8 millions de chômeurs.
En Italie, 700 000 enfants seraient en difficulté alimentaire. Les différences entre le nord et le sud du pays attisent les angoisses des habitants du sud. Le pays est fortement endetté et la gestion de la crise a été chaotique.
Mais dans les histoires européennes, c’est toujours la même histoire : l’Allemagne d’abord, la France ensuite, les pays « du sud » suivront. L’enjeu a toujours été de vouloir construire une Europe sociale qui respecte la souveraineté des États, ou bien une Europe comme un grand marché qui assujettit certains États à d’autres et aux lois du marché mondial, d’après leur poids économique.
Mais la crise que nous vivons amène une nouvelle donne, où l’économique et le social sont intimement liés, où les questions de vie et de mort des individus côtoient celles de certaines professions du bien-être social (artistes, restaurateurs). De quoi, peut-être, repenser enfin l’Europe.