En rejetant le projet d’exploitation pétrolière de Total au large de l’Amazone, l’Agence environnementale brésilienne (IBAMA) a érigé une protection de plus pour la biodiversité de la zone, riche en biomes entre les mangroves de la côte et le récif de l’Amazone au large. Convaincue de la richesse inestimable de cette région, Greenpeace a lutté depuis le début contre les projets des multinationales pétrolières, mobilisant une cohorte d’experts ainsi que la société civile.
Troisième camouflet pour Total
Sévère revers pour le fleuron pétrolier français : après deux demandes infructueuses, le projet d’exploitation pétrolière dans l’embouchure de l’Amazone de Total vient d’être à nouveau rejeté par l’Agence environnementale brésilienne (IBAMA). Le motif est simple : les risques environnementaux sont trop importants, et l’étude d’impact environnemental (EIE) délivrée par Total souffre de lacunes, particulièrement en cas de marée noire.
Dans cette région très sauvage, ce sont deux écosystèmes uniques qui sont menacés par les conséquences possibles de l’exploitation (perturbations sismiques, marées noires, bruit) : sur terre, à 180 kilomètres maximum des puits, la mangrove se déploie sur des milliers d’hectares (dont une partie constitue le parc naturel du Cabo Orange), abritant crabes, poissons, oiseaux (aigles, ibis rouges, plusieurs espèces de perroquets) et même des jaguars, sans compter la flore luxuriante.

La mangrove du parc du Cabo Orange
Trésor récemment découvert
Mais ce n’est pas tout. Sur mer, à moins de 30 kilomètres des sites visés par Total, une découverte récente est venue sublimer la diversité écologique de l’embouchure de l’Amazone : un récif corallien unique, prospérant grâce au mélange des eaux du fleuve (qui en délivre 300 000 m3 par seconde) et de la mer – le récif de l’Amazone. Révélée en 2016 par un article d’une équipe de chercheurs brésiliens et américains, dans la revue Science, la présence de ce récif n’a été documentée que très récemment, à l’initiative de l’ONG Greenpeace qui y a dépêché une expédition scientifique à bord du navire amiral de sa flotte, l’Esperanza.
Equipés de sous-marins, les militants ont pu filmer les fonds marins riches en espèces aquatiques, parfois inconnues : « des dizaines de poissons n’étaient pas référencés dans cette zone, dont des espèces protégées, et je suis sûr d’avoir vu une espèce inconnue de poisson-papillon », s’émerveille Ronaldo Francini Filho, professeur de biologie marine à l’université d’Etat de Paraïba, à peine sorti de l’habitacle de son sous-marin. La découverte est d’autant plus exceptionnelle qu’un récif de ce genre ne peut d’habitude pas se former dans de telles conditions (trop de remous, de sédimentation, taux de sel trop variables) ; une aubaine, car à l’heure où les récifs coralliens, comme la Grande Barrière de corail, sont menacés, « il est indispensable de comprendre quels organismes peuvent tolérer des conditions plus dures », estime Rebecca Albright, océanographe et spécialiste des coraux.
Crédits : Greenpeace
C’est aussi une raison de plus de protéger cet écosystème des projets pétroliers de Total, mais aussi de BP qui envisage un forage en 2018. La débauche de moyens déployés par Greenpeace va en ce sens : en plus de l’expédition, l’ONG a lancé une pétition « Sauvons le récif de l’Amazone », qui a recueilli plus d’un million de signatures. « Les coraux sont source de nourriture, de protection côtière contre la houle océanique, de tourisme et d’activités récréatives. 500 millions de personnes en profitent à travers le monde », rappelle Mehdi Adjeroud, directeur de recherche à l’Institut de recherche et de développement (IRD), précisant que l’homme devra choisir entre la préservation de cette richesse et l’avenir incertain des énergies fossiles.
Mauvais souvenirs, mauvais pressentiment
Pour Greenpeace, le choix est déjà fait, et la détermination de l’IBAMA ne fait que le confirmer. Après des catastrophes de l’envergure de l’accident de la plateforme Deep Water Horizon, dans le Golfe du Mexique (dont la marée noire a mis à mal plus de 400 espèces animales vivant dans la région), des projets aussi peu prudents que celui de Total sont à bannir.
« la seule décision de Total qui ferait sens est d’abandonner ses projets de forage à proximité de l’embouchure de l’Amazone, plutôt que de chercher à forcer la main des autorités et obtenir l’autorisation de leur projet risqué. »
En effet, dans une étude critique de l’EIE remise par Total au gouvernement brésilien, Greenpeace a dénombré plusieurs failles, comme la distance séparant le dôme de confinement (à poser en cas de fuite) et le site de forage : « ce dôme se situe à Rio de Janeiro, de l’aveu même de Total, soit à quelque 4 000 km du lieu de forage, et il faudrait une dizaine de jours pour le faire venir, autant de temps laissé à la marée noire pour détruire le récif corallien ou les côtes », dénonce Jane Dziwinski, une militante.

Malgré le couperet délivré par l’IBAMA, qui a dit n’avoir « aucun doute sur les conséquences possibles sur les récifs de coraux et la biodiversité d’une manière plus large » du projet, Total est encore dans la course, et fera usage de son dernier appel auprès des autorités brésiliennes, tandis que se profile à l’horizon le projet du géant anglais BP.
Le dernier mot est à Greenpeace, qu’il faut saluer pour cette victoire provisoire : « la seule décision de Total qui ferait sens est d’abandonner ses projets de forage à proximité de l’embouchure de l’Amazone, plutôt que de chercher à forcer la main des autorités et obtenir l’autorisation de leur projet risqué ».
Crédits photos, vidéo : Greenpeace

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