Le jugement du Tribunal international Monsanto a été rendu public mardi 18 avril et il est sans appel : Monsanto est reconnu coupable d’écocide et de pratiques portant atteinte aux droits humains. L’avis consultatif rendu par le tribunal citoyen qui s’est tenu à La Haye, s’il ne permet pas de condamner Monsanto pour l’instant, risque de provoquer des changements importants dans le droit international.
Un tribunal « symbolique »
Le Tribunal Monsanto est « une mobilisation internationale de la société civile pour juger Monsanto pour violations des droits humains, pour crimes contre l‘humanité et pour écocide », présente le site monsantotribunal.org. Il s’est tenu à La Haye du 16 au 18 octobre 2016 et a rendu public son verdict mardi 18 avril, après que cinq magistrats professionnels venant d’Argentine, de Belgique, du Canada, du Mexique et du Sénégal ont auditionné une trentaine de témoins, victimes, experts et avocats. Monsanto en revanche n’était pas présent au procès citoyen jugeant que ce tribunal était à la fois « juge et partie ». Par ailleurs, étant donné que le droit international ne permet pas encore de poursuivre une entreprise pour crime contre l’environnement, le jugement était avant tout symbolique, donnant voix aux victimes directes. L’avis du tribunal n’est donc considéré que comme « consultatif », c’est-à-dire qu’il n’est pas « juridiquement contraignant ».
Santé, environnement, recherche scientifique et crime contre l’humanité
La multinationale était accusée d’écocide et de crimes contre l’humanité. Les accusations reposaient notamment sur la commercialisation par le groupe de produits toxiques ayant provoqué la mort de milliers de personnes et « de graves répercussions sur l’environnement ». Etaient désignés entre autres les polychlorobinéphyles (PCB), le glyphosate ou encore l’ « agent orange », un herbicide puissant utilisé pendant la guerre du Vietnam. Six questions ont été soumises à l’avis consultatif des juges concernant le respect du droit à un environnement sain, à l’alimentation, à la santé, à la « liberté indispensable à la recherche scientifique », mais aussi la responsabilité de Monsanto dans des crimes de guerre et des « crimes environnementaux » ou écocide.

Coupable !
Le tribunal a alors reconnu que les droits à l’alimentation et à la santé avaient été bafoués, dénonçant une « commercialisation agressive de semences OGM » qui contrevient aux droits des peuples autochtones et des communautés locales en « forçant des agriculteurs à adopter des modes de culture qui ne respectent pas les pratiques des cultures traditionnelles ». Même chose pour le non-respect de la liberté de la recherche scientifique ainsi qu’à « la liberté d’expression et au droit à l’accès à l’information » : Monsanto est reconnu coupable. En revanche, le tribunal a admis ne pas disposer d’informations suffisantes pour se prononcer sur la complicité de crimes de guerre même si l’on peut avancer l’hypothèse que Monsanto « a donné les moyens de faire la guerre au Vietnam » et « disposait des informations relatives à ses effets préjudiciables sur la santé et l’environnement ».
Vers la reconnaissance de l’écocide dans le droit international ?
Même si le jugement qui inculpe Monsanto n’a aucune valeur officielle, il pourrait avoir des répercussions considérables sur la reconnaissance du crime d’écocide dans le droit international. En effet, c’est sur cette considération qu’ont conclu les jurés en déclarant que « le temps est venu de proposer la création d’un nouveau concept juridique pour le crime d’écocide et de l’intégrer dans une future version amendée du statut de Rome établissant la Cour pénale internationale ». Ainsi, l’avis consultatif du Tribunal international Monsanto va être transmis aux Nations unies, à la Cour pénale internationale, au comité des droits de l’homme et bien sûr à la firme Monsanto pour que puisse être reconnue la responsabilité d’une entreprise dans la destruction de l’environnement. De plus, comme le souligne Arnaud Apoteker, membre du comité d’organisation du Tribunal Monsanto : « Cet avis doit inciter les victimes à utiliser les points juridiques pour poursuivre Monsanto devant les tribunaux nationaux ».
Monsanto « a donné les moyens de faire la guerre au Vietnam » et « disposait des informations relatives à ses effets préjudiciables sur la santé et l’environnement »
Loin de n’être qu’un symbole, le jugement rendu par le Tribunal Monsanto remet au centre des débats la question de la reconnaissance du droit environnemental dans les enjeux contemporains. Alors que Monsanto dénonce un « événement [qui] a été orchestré par un groupe restreint d’opposants à Monsanto et aux technologies agricoles qui se sont érigés en organisateurs, juges et parties », la société civile dévoile la réalité d’un système qui fait primer les droits des entreprises sur les droits de l’homme ou de l’environnement et appelle à une évolution de la justice internationale (qui devient urgente).

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