La multinationale TotalEnergies met à exécution ses menaces de poursuite judiciaire contre Greenpeace France et demande au juge civil d’obliger l’ONG à retirer son rapport de révision des émissions CO2 de TotalEnergies. C’est la première fois que la major pétro-gazière attaque l’ONG sur le plan judiciaire. Greenpeace France dénonce une procédure-bâillon.
Le 28 avril, TotalEnergie a assigné Greenpeace France en justice pour « diffusion d’informations fausses et trompeuses », qui vise le rapport « Bilan Carbone de TotalEnergies, le compte n’y est pas ». Dans ce dernier, l’ONG dénonçait un écart abyssal entre les déclarations officielles des émissions de gaz à effet de serre de la multinationale et les nouveaux calculs de Greenpeace.
TotalEnergies déclarait avoir émis 455 millions de tonnes de CO2 en 2019. Greenpeace a publié une estimation finale avec une méthodologie transparente et disponible en ligne de 1 milliard 637 millions de tonnes de CO2. Ce résultat est 3,6 fois supérieur au premier.
La multinationale demande au juge civil d’obliger Greenpeace France à retirer son rapport de son site internet ou de tout autre support et de cesser toute communication s’y rattachant, sous astreinte de 2000 euros par jour. Elle demande également la réparation de son préjudice pour un euro symbolique.
Pour Greenpeace, la temporalité de l’assignation n’est pas un hasard. L’assemblée générale annuelle de TotalEnergies aura lieu le 26 mai prochain. L’an dernier, 250 militants s’étaient rassemblés et avaient réussi à faire déplacer le rendez-vous, en guise de contestation contre la multinationale et la faiblesse de son plan climatique, et l’impact désastreux de son mégaprojet EACOP en Ouganda, le plus grand oléoduc de pétrole brut chauffé au monde.
Un large mouvement des associations de protection pour le climat, comprenant Greenpeace, Amis de la Terre, ou encore Extinction Rébellion, appelle d’ores-et-déjà au blocage de l’AG de 2023.
L’ONG dénonce une poursuite-bâillon : une major aux superprofits considérables qui augmentent chaque année (14 milliards pour 2021 et 20,5 milliards pour 2022) cherche à réduire au silence des lanceurs d’alerte, afin de sanctionner une action qui lui serait préjudiciable.
Par ailleurs, une poursuite juridique est longue et coûteuse, des représailles que peut se permettre TotalEnergies, dont les ressources juridiques sont surdimensionnées.
Jean-François Juliard, directeur de Greenpeace France, a réagi : « TotalEnergies veut entraîner Greenpeace dans une longue procédure judiciaire sur le calcul de ses émissions carbone, tenter de faire supprimer nos rapports et nous empêcher de dénoncer ses pratiques trompeuses et climaticides : si cela visait à nous décourager, c’est raté, nous sommes prêts. Nous continuerons de lever le voile sur la responsabilité de TotalEnergies dans le réchauffement climatique. Rendez-vous au tribunal. »
La major s’est d’abord attelée à la fabrique du doute, puisque TotalEnergies est passée de la prise de conscience au déni, s’est attaquée ouvertement au consensus scientifique, pour finalement retarder la lutte contre le changement climatique.
Après un greenwashing en 2020 où l’entreprise prétendait être sur la bonne voie pour lutter contre le changement climatique et distillait des informations fallacieuses sur le gaz fossile et les biocarburants, elle passe aujourd’hui à l’attaque contre une ONG de protection de l’environnement.