L’association ATD Quart Monde qui lutte contre le chômage et la pauvreté est en train d’expérimenter un tout nouveau concept : un territoire zéro chômage de longue durée. La recette magique de ce concept est de penser à l’envers (ou à l’endroit ?), on vous explique tout !
Retournement de processus
La France affiche 10 % de chômage dont 2,5 millions de chômeurs de longue durée et malgré les tentatives politiques pour drainer ces chiffres, ceux-ci stagnent, ou augmentent. Aujourd’hui, pour trouver un travail, on cherche sur des sites et on se rend sur Pôle Emploi en déroulant des listes de métiers qui ne nous correspondent pas. ATD Quart Monde a décidé de renverser le processus en partant des compétences des demandeurs d’emplois afin de créer des activités en adéquation avec les besoins des entreprises : ce projet ambitieux est en train de prendre de vie.
Construction habile
Dix territoires ont été sélectionnés pour tester cette méthode, parmi eux, la ville de Colombelles dans la banlieue de Caen. Basta Mag a mené l’enquête et nous rapporte des conclusions enthousiasmantes ; cela fait plusieurs années que le taux de chômage de la ville, notamment dû à la fermeture de la Société métallurgique de Normandie atteint des sommets, soit environ 18% de sa population active. Les nouvelles entreprises, des startups pour la plupart, ne proposent pas de postes en adéquation avec les compétences des anciens travailleurs d’usine. Sur 6 280 habitants, 700 personnes sont au chômage, dont 250 de longue durée. Les bases du cercle vicieux sont posées. ATD Quart Monde a pensé son concept en partant des travailleurs pour remonter vers les entreprises, contrairement au système traditionnel.
Les personnes sans emplois sont invitées à réfléchir aux besoins de leur territoire, ils connaissant ces besoins par cœur en tant qu’habitants ! Basta Mag nous explique qu’un des participants se voit aménager le bois de la ville afin de créer un parcours pédagogique d’accrobranche, un autre souhaiterait créer un point info-santé, une troisième aimerait conduire un taxi solidaire, ce qui permettrait aux habitants d’avoir une mobilité plus importante à faible coût et un dernier voudrait rendre visite aux personnes âgées dépendantes, sous l’emprise de la solitude. Les différents projets sont fonctionnels à partir du moment où ils ne concurrencent pas une entreprise existante, répondent à un besoin et sont compatibles avec des formations accessibles. Patrick Valentin, chef du projet chez ATD Quart Monde explique que personne ne doit être laissé de côté « Concrètement, les personnes volontaires sont recrutées de droit. Elles ne subissent pas une sélection. Mais nous voyons avec elles, dans un emploi, ce qu’elles désirent faire, ce qu’elles savent faire. »
Combien ça coûte ?
Les entreprises partenaires du projet qui souhaitent créer un poste pour accueillir un employé et ses compétences sont également gagnantes. Les créations de postes sont financées à 70% par la structure de l’entreprise à but d’emploi qui fonctionne comme un tampon entre les demandeurs et leur réinsertion dans le monde du travail ; reste 30% à la charge de l’entreprise : une aubaine ! Afin d’éviter les abus, un comité de vigilance composé de syndicats, de collectivités et de volontaires scrutent les postes déjà proposés pour qu’ils n’abusent pas de cet avantage si l’activité avait pu être financée sans l’aide du projet. Cette dynamique permettrait donc d’employer des travailleurs en CDI, de booster l’activité territoriale et locale et de proposer des prestations à bas prix pour les entreprises. Le financement de ce processus est schématique : le coût de la privation d’emploi coûte 36 milliards d’euro à la France en comptant les dépenses sociales, le manque à gagner, les dépenses liées à l’emploi et les coûts induits par les conséquences sociales du chômage. En transférant ces coûts vers un financement de postes, 70% sont déjà couverts. L’Etat a par ailleurs créé un fond en cet été 2016 pour financer les tests sur les 10 territoires couverts. Les prestations sociales telles que le RSA peuvent être transférées vers un projet de financement d’emploi. Les 30% restants sont finançables par les prestations vendues aux entreprises partenaires et les activités solvables du territoire crées par les initiatives : la boucle est bouclée.
Repenser la réinsertion
La réinsertion la plus difficile à implémenter est sans aucun doute une réinsertion durable, sur le long terme, avec des bases solides. Il est évident que la modernisation des activités a laissé de nombreuses personnes sur le côté, ne sachant que faire de leurs compétences qui semblent être devenues obsolètes. Seulement, le territoire et les entreprises ont besoin de mains, ils ont besoin de travail à bas coût pour se redynamiser et créer de l’activité, de l’emploi et de la valeur. L’exclusion des chômeurs par la société est indéniable et la mise de côté par le manque de contact humain et d’objectifs pèse sur le moral et la santé, sans compter la consommation. Aujourd’hui, cette association propose et expérimente un projet tangible et prometteur, ce genre de projet qu’on a du mal à trouver entre les lignes des programmes électorales de cette année 2017. Affaire à suivre !
Source : Basta Mag

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