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Taxe carbone : une injustice sociale au goût amer

Notre dépendance au pétrole n’est pas viable à long terme, ni pour l’environnement, ni pour nos modes de vie. Ce mécontentement devrait donc être l’occasion d’ouvrir un dialogue pour réfléchir aux types de transports que nous souhaitons mettre en place, tout en prenant garde à ne pas creuser les inégalités entre zone urbaine et rurale en matière de mobilité.

Alors que le mouvement des « gilets jaunes » se prépare pour la contestation du 17 novembre contre la hausse du carburant, l’aérien et le maritime, deux grands secteurs pollueurs, sont toujours exonérés de taxe carbone. Cette différence de traitement est un symptôme de l’injustice sociale générée par la façon dont la fiscalité écologique est appliquée en France.

L’aviation et le transport maritime, pollueurs non payeurs

Le débat autour de la hausse des prix du carburant cristallise les tensions au sein de la société française. En effet, le gouvernement a brandi l’argument écologique pour justifier ces mesures, arguant qu’il n’y a pas de « solution magique » au dérèglement climatique, et laissant dans le désarroi une partie de la population dépendant de la voiture. Pourtant, la fiscalité écologique à la française fait l’impasse sur deux secteurs clés.

Crédit Photo : Julie North

Si la taxe carbone est bien appliquée sur les usagers de voitures individuelles, l’aérien et le transport maritime, bien plus polluants, en restent dispensés. Un comble quand on sait qu’à elle seule, l’aviation serait le septième plus gros émetteur mondial de gaz à effet de serre si elle était un pays, et que le secteur pollue autant que les 129 pays les moins émetteurs. Pas mieux côté transport maritime : un seul cargo pollue autant que 50 millions de voitures, selon une étude menée par France Nature Environnement.

Obtenir un consensus international et imposer une fiscalité écologique sur les secteurs aérien et maritime devrait donc être l’une des priorités de la France lors de la COP 24 qui se tiendra au mois de décembre en Pologne.

Source : Emission de CO2 par personne et par km selon le type de transport,
Réseau action climat

L’impunité dont jouissent les transports aérien et maritime en matière de fiscalité écologique est révélateur d’une politique gouvernementale française prompte à aggraver les inégalités, en faisant porter sur les individus les plus pauvres le coût de la transition écologique. La Contribution Climat-Energie prélève ainsi 0,1 % des revenus des 10 % de ménages les plus riches, contre 0,6 % de ceux des 10 % les plus pauvres. Pour l’économiste Aurore Lalucq, cela ne fait aucun doute : « la taxe environnementale est devenue la taxe antisociale par excellence ». Convaincu lui aussi, François Ruffin propose d’axer la mobilisation du 17 novembre sur le retour de l’ISF pour financer la transition écologique.

Le vrai débat : quelles mobilités voulons-nous mettre en place ?

Car il ne faut pas se tromper, notre dépendance au pétrole n’est pas viable à long terme, ni pour l’environnement, ni pour nos modes de vie. Ce mécontentement devrait donc être l’occasion d’ouvrir un dialogue pour réfléchir aux types de transports que nous souhaitons mettre en place, tout en prenant garde à ne pas creuser les inégalités entre zone urbaine et rurale en matière de mobilité. Dans une tribune, Vincent Liegey, chercheur en décroissance et alternatives, explique ainsi qu’en Hongrie, alors que le vélo est vécu comme un choix conscient dans les villes, il est ressenti comme une humiliation économique dans les campagnes.

Crédit Photo : Ian Simmonds

Le Réseau Action Climat et ses 22 associations membres (dont Greenpeace, WWF, la Fondation pour la Nature et l’Homme ou encore Oxfam) rappellent que « Les responsables politiques dans leur ensemble devraient s’attacher à recentrer le débat sur les réponses à donner aux crises que nous traversons, climatique et sociale. »

Le Réseau Action Climat propose ainsi une série de mesures pour réduire durablement la dépendance des Français à la voiture et leur vulnérabilité face à l’augmentation des prix des carburants : transports en commun et vélo, développement de véhicules véritablement moins émetteurs et moins polluants, désenclavement des territoires via un réseau ferré opérationnel, modernisé et accessible à tous les portefeuilles, lutte contre l’étalement urbain en rapprochant les lieux de vie des lieux de travail et de loisirs, etc. Le Réseau Action Climat préconise également de financer les citoyens dépendants de leur voiture lors des hausses de prix du carburant, en attendant que des mesures viables soient mises en place.

Les regards se tournent maintenant vers la prochaine loi mobilité qui sera présentée au Conseil des ministres le 21 novembre. Face à la pression exercée par la société civile, le gouvernement va-t-il se saisir de l’occasion pour construire une politique de mobilité cohérente, écologique et juste ?

Laurie Debove

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