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Suicides à France Télécom : un procès historique

« C’est la première fois qu’un procès concerne le plus haut niveau de la hiérarchie de l’un des plus grands groupes français »

Pour la toute première fois en France, un grand groupe est jugé pour harcèlement moral organisé à grande échelle. Lundi 6 mai a débuté le procès de France Télécom, devenu Orange en 2013, et de trois de ces anciens hauts dirigeants. Entre 2007 et 2010, leur plan social a eu pour conséquence une vague de suicides des salariés, dont 35 au cours des seules années 2008 et 2009.

Triste première historique pour la France : l’ouverture du procès de l’entreprise France Télécom, désormais Orange, et de ses anciens dirigeants et cadres pour établir leur responsabilité dans l’hécatombe de suicides qui a touchés les salariés dont la plupart ont dénoncé un « management par la terreur ». Entre 2007 et 2010, une soixantaine de suicides de salariés et d’agents ont eu lieu chez France Télécom dans toute la France.

« C’est la première fois qu’un procès concerne le plus haut niveau de la hiérarchie de l’un des plus grands groupes français : ceux qui ont élaboré et mis en œuvre un plan de gouvernance fondé sur la déstabilisation des personnels, et non un simple supérieur hiérarchique qui abuse de son pouvoir sur son subordonné. C’est exceptionnel », insiste l’avocate Sylvie Topaloff, qui défend les parties civiles avec son associé Jean-Paul Teissonnière.

De Mai à Juillet 2019, Didier Lombard, ancien PDG de France Télécom, Louis-Pierre Wenès, directeur général du groupe, Olivier Barberot, ancien directeur des relations humaines (DRH), ainsi que quatre autres responsables du groupe vont devoir expliquer les conséquences de leurs méthodes managériales pour pousser les employés à partir suite à un plan que les dirigeants désignaient sous le nom de « crash programme ».

Crédit Photo : Lionel BONAVENTURE / AFP

Derrière ce nom évocateur se trouve la vaste restructuration de France Télécom qui voulait réduire ses effectifs de 22.000 personnes et en transférer 10.000 autres en trois ans avec comme objectif de dégager sept milliards d’euros de cash flow, c’est à dire créer de la valeur pour mieux rémunérer les actionnaires. Afin d’économiser les frais inhérents à ce type de manœuvre salariale, l’entreprise avait camouflé un plan social en deux parties, « Act » et « Next », qui ont coûté la vie et le bien-être mental à de trop nombreux salariés sous pression.

Si ces deux plans ne précisaient pas noir sur blanc à quel degré une pression morale devait être infligée aux salariés pour les pousser à partir, les objectifs du nombre de départs étaient néanmoins chiffrés et les méthodes proposées sans équivoque : restructurations du jour au lendemain, pressions morales, mobilités forcées au sein-même de l’entreprise ou en-dehors avec le « time to move » (moment pour bouger – NDLR), placardisations, harcèlements, humiliations, etc.

Didier Lombard CEO – Lionel BONAVENTURE / AFP

Dans leur ordonnance de renvoi de 673 pages, les juges d’instruction Brigitte Jolivet et Emmanuelle Robinson le précisent :

« Didier Lombard apparaît comme le principal responsable de la mise sous pression de l’entreprise visant à déstabiliser les salariés et les agents, à créer un climat professionnel anxiogène, notamment par des réorganisations multiples et désordonnées, des invitations répétées au départ, des mobilités forcées, des surcharges de travail ou absence de travail, un contrôle excessif, l’isolement du personnel, des manœuvres d’intimidation et des menaces ».

L’ancien PDG s’est notamment fait remarqué en prononçant cette phrase glaçante lors d’une réunion avec d’autres dirigeants en 2007 : « il faut faire partir les salariés par la porte ou par la fenêtre ». France Télécom est la première grande entreprise à comparaître en France pour « harcèlement moral ». Ce dernier est défini par le code pénal comme « des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail ». Ce procès devrait permettre d’établir une base légale plus dure pour les cas d’institutionnalisation de la maltraitance au travail.

Les anciens dirigeants, dont Didier Lombard, encourent 15.000 euros d’amende et un an de prison chacun, tandis que l’entreprise France Télécom risque 75.000 euros d’amende. Une peine qui peut sembler bien faible au regard des vies humaines qui ont été broyées. La décision devrait être rendue au mois de novembre. 

Crédit Photo à la une : Lionel BONAVENTURE / AFP

Laurie Debove

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