Plus de 500 000 renards sont tués par an en France, soit près d’un par kilomètre carré. Dans la plupart des départements, ils peuvent être abattus toute l’année, même hors des périodes de chasse, car le renard est considéré comme « Espèce Susceptible d’Occasionner des Dégâts ». Cette disposition est combattue par le collectif Renard 63, dans le Puy-de-Dôme, qui insiste sur le rôle écologique de ce petit prédateur.
Une Espèce Susceptible d’Occasionner des Dégâts
En France, une liste des « Espèces Susceptibles d’Occasionner des Dégâts » (ESOD), nommées « nuisibles » jusqu’en 2016, est fixée tous les 3 ans par le ministère de l’Écologie.
Pour la période d’août 2023 à août 2026, la liste de la catégorie 2 – concernant les espèces indigènes – comprend la Belette d’Europe, la Fouine, la Martre des pins, le Corbeau freux, la Corneille noire, la Pie bavarde, le Geai des chênes, l’Étourneau sansonnet et le Renard roux.
Les motifs d’un tel classement ? La santé et la sécurité publique, la protection de la flore et de la faune sauvage, la prévention des dommages aux activités économiques : notamment agricoles.
Les animaux de cette liste subissent ainsi une traque permanente, contrairement aux espèces chassables dont les individus ne peuvent être tués qu’en période de chasse : généralement entre mi-septembre et fin février.
« Environ 8000 renards sont tués chaque année dans le Puy-de-Dôme », explique Marie-Laure Thierry, porte-parole du collectif Renard 63, qui réunit plus de 40 associations locales et nationales militants pour le déclassement du Renard roux de la liste des « Espèce Susceptible d’Occasionner des Dégâts ». Leur collectif a d’ailleurs lancé une pétition pour interdire la chasse du renard en 2026 dans le Puy-de-Dôme.
Le 13 mai 2025, le Conseil d’État avait retiré certaines espèces de la liste des ESOD dans de nombreux départements français : une décision saluée par de nombreuses associations de protection de la Nature. Le Renard roux était ainsi sorti de cette liste notamment dans l’Aveyron, la Haute-Loire et la Lozère.
« C’est une avancée énorme, mais pas dans le Puy-de-Dôme » regrette Marie-Laure. Le préfet du département avait pourtant donné un avis en faveur du déclassement, suivant celui de la DTT (Direction départementale des territoires) qui proposait de limiter le piégeage du renard à proximité des élevages aviaires dans certaines zones pour réguler les populations de campagnols. Mais cela n’a pas été suivi par le ministère. On a été très déçus ».
Désormais, le collectif tente d’obtenir la sortie du renard de la liste des ESOD du Puy-de-Dôme à partir de 2026, notamment via des rencontres avec des maires ou le lancement d’une pétition, en collaboration avec La Relève et La Peste.
Renard ayant attrapé un campagnol © Emmanuel et Stéphane Vidal
Un classement contraire aux connaissances scientifiques
L’argument principal des opposants au classement du Renard roux au sein des ESOD est l’absence de considération pour les données scientifiques, notamment en ce qui concerne les dynamiques de population du renard et le rôle de ce dernier au sein des écosystèmes.
« On veut limiter la “pullulation” des renards en exerçant une pression de chasse importante, mais il a été prouvé au contraire que le renard s’autorégule, explique Marie-Laure. En fonction des denrées alimentaires, de la météo, des territoires disponibles, il adapte le nombre de petits par portées. Quand on prélève un renard sur un territoire, il est recolonisé tout de suite par un nouvel individu ».
Marie-Laure pointe également l’absence de prise en compte des recherches scientifiques en ce qui concerne la transmission de maladies par les renards.
« On parle toujours du fait que le renard transmet des maladies comme l’échinococcose alvéolaire. Or des études tendent à prouver que finalement, ce parasite peut être transmis par les fèces (et non son urine) du renard, mais aussi par les chiens et les chats chassant des rongeurs. Il y a plus de probabilités de contracter la maladie par les animaux domestiques n’ayant pas reçu de traitement anti-parasitaire que par le renard. De plus, tuer des renards va favoriser la dissémination des maladies en déplaçant des jeunes individus ».
Le collectif Renard 63 rappelle aussi le manque de rigueur dans la collecte des données en ce qui concerne les prédations d’animaux domestiques – notamment de poules – par les petits canidés.
« L’élément clé pour déclarer une ESOD, c’est qu’il faut dépasser le montant de 10 000 euros de dégâts pour chaque département sur l’année, explique Marie-Laure à La Relève et La Peste. Tous les gens qui ont des dégâts avec le renard remplissent une fiche, mais c’est juste déclaratif : il n’y a pas de vérification et aucun travail commun n’est fait sur ces documents. »
Famille de renards © Sébastien Virieux
Un rapport sur les ESOD publié en décembre 2024 par L’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) préconise « d’abandonner le principe d’une destruction systématique d’une espèce susceptible d’occasionner des dégâts au profit de l’élimination du ou des individus identifiés au cas par cas. »
C’est à dire d’en finir avec les piégeages et le déterrage, pour autoriser seulement des actions ponctuelles en cas de dégâts économique.
« Si on fait ça deux ans, il ne restera plus rien : sauf des nuisibles qui finiront par se bouffer entre eux, ça se terminera comme ça, s’offusquait en réponse Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs en ouverture du Congrès national des chasseurs de mars 2025. »
Plutôt que se positionner en opposition aux chasseurs Puydômois, le collectif Renard 63 espère quant à lui pouvoir « travailler avec les chasseurs » explique Marie-Laure.
« Les membres du collectif Renard Doubs ont complètement refondu la fiche de dégâts avec la fédération de chasse pour qu’elle soit beaucoup plus aboutie, raconte-t-elle. Une fois qu’ils reçoivent toutes les déclarations de dégâts, ils les décryptent ensemble. »
La Fédération départementale des chasseurs du Doubs participe également au programme CARELI (CAmpagnols, REnards, LIèvres ) qui vise à étudier les effets de la « protection » d’une population de renards comparés à son classement comme « espèce chassable et Susceptible d’Occasionner des Dégâts ».
Renardeau © Nicolas FAULLE
Un animal essentiel aux écosystèmes
Mammifère prédateur le plus commun en France à l’état sauvage, le renard roux occupe une fonction essentielle au sein des écosystèmes. « Il participe à l’équilibre entre les espèces et prend toute sa place dans la chaîne alimentaire », rappelle l’Office Français de la Biodiversité (OFB).
« Le renard est un auxiliaire pour l’agriculture car il prédate les micromammifères, incluant majoritairement des ravageurs comme les campagnols : entre 6 000 et 8 000 par an », explique le collectif Renard 63.
Renard ayant attrapé un campagnol © Christian Amblard
« Il est incohérent d’encourager sa destruction alors qu’il est demandé aux éleveurs de favoriser sa présence, notamment dans le cadre de l’arrêté préfectoral de lutte obligatoire contre le campagnol terrestre qui s’applique dans le Puy-de-Dôme. »
Omnivore, le renard mange également de nombreux fruits, dont il dissémine les graines : participant ainsi au renouvellement du couvert végétal. Enfin, en mangeant des rongeurs porteurs de larves de tiques, le renard participe à limiter la propagation de la maladie de Lyme.
« Le classement des ESOD est complètement obsolète, conclut donc Marie-Laure. On classe du vivant avec des arguments administratifs et non biologiques et naturalistes. »
Pour enfin protéger le renard, ce prédateur incompris, le Collectif Renard 63 a lancé une pétition en collaboration avec La Relève et La Peste. L’objectif : obtenir son retrait de la liste ESOD dans le Puy-de-Dôme, et créer un précédent pour inspirer d’autres départements.
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