La spiruline ? Une cyanobactérie comptant parmi les plus anciens organismes sur Terre (apparus il y a 3,5 milliards d’années), et qui sont d’ailleurs, rappelons-le, l’origine de la majeure partie du dioxygène que nous respirons ! Déjà consommée par les Aztèques sous forme de galettes séchées, elle prolifère dans les lacs des régions chaudes comme le lac Tchad. Ce que cette petite algue bleue, qui tire son nom de sa forme spiralée, a de spécial, ce sont ses qualités nutritionnelles impressionnantes, une solution possible à la malnutrition dans le monde.

Une redécouverte récente

À la faveur de la traversée du lac Tchad en 1964-1965, Jean Léonard, botaniste et professeur de biologie belge, s’intéresse à l’alimentation de la population locale, intrigué en particulier par des galettes qu’ils consomment. Il s’agit en fait de la spiruline !

Déjà en 1959, l’ethnologue français Max-Yves Brandily avait écrit un article sur le peuple Kanembou, du Tchad, article intitulé « Depuis des lustres une tribu primitive du Tchad exploite la nourriture de l’an 2000 ». L’institut français du pétrole s’intéresse alors de plus près à la cyanobactérie et aide finalement la société Sosa Texcoco à lancer une usine de production au Mexique. Ce n’était pas du tout la vocation première de cette entreprise dont les canalisations étaient seulement bouchées par de curieuses algues… La spiruline ! Quoi qu’il en soit, est ainsi inaugurée la première production commerciale autour de cette cyanobactérie.

Ripley Fox, microbiologiste américain, fonde en 1971 en France l’ACMA (Association pour combattre la Malnutrition par Algoculture) qui fait partie depuis 1985 d’un regroupement d’ONG, TechnAp (Technologie Appropriée) œuvrant pour le développement et la santé. Dès les origines le potentiel nutritif de ce que l’on appelle déjà « l’or vert » ou « l’or bleu » est donc perçu, faisant dans un cas référence à sa couleur visible, dans l’autre à la couleur de l’un de ses pigments, la phycocyanine.

Des propriétés nutritives impressionnantes

« Aucun autre aliment que la spiruline ne réunit autant de nutriments essentiels à l’Homme », affirme Bernard Schmitt, endocrinologue et directeur du Centre d’Enseignement et de Recherche en Nutrition Humaine. C’est ce que s’accordent à dire de nombreuses études scientifiques dont le site internet de Spiruline France offre un panorama. L’étude de Chamarro et al. (2002) reste la plus synthétique.

Il s’agit d’un complément alimentaire de premier choix puisqu’elle contient une dizaine de vitamines différentes dont la vitamine A, antioxydant puissant. Spirulib propose une liste exhaustive. On peut ajouter à ce cocktail vitaminé de nombreux minéraux : calcium, chrome, cuivre, fer, magnésium, manganèse, potassium et zinc. Pour vous donner une idée de ses apports, une poignée de spiruline contient autant de protéines que 35 g de bœuf, et autant de fer que trois bols d’épinards !

Les pigments que l’algue bleue contient intéressent aussi beaucoup les scientifiques, notamment la phycocyanine, un antioxydant très efficace, c’est-à-dire qu’elle contribue à ralentir le vieillissement des cellules. C’est ce qu’avance une étude chinoise de 2013. Une autre étude, du département de botanique de l’Université du Caire, parue en 2012, explique que ce pigment a également des effets anti-cancer.

Outre ses qualités nutritives incomparables, elle aurait aussi des effets sur des pathologies plus sérieuses qu’une simple carence en vitamines. Une étude de J. Teas et al. se concentre en effet sur les effets de l’algue sur le VIH. Il établit une comparaison entre deux populations et met en avant une prévalence moins forte du VIH dans celle qui consomme de la spiruline. Cette information est reprise par le CATIE (source canadienne de renseignements sur le VIH et l’hépatite B) : « Dans des études en laboratoire, des composés extraits de la spiruline inhibaient la réplication du VIH ».

L’apologie des bienfaits de ce complément alimentaire a toutefois eu un effet contre-productif sur son utilisation, qui suscite moins d’engouement que de scepticisme dans la communauté scientifique.

Un développement contrasté

Depuis les années 2000 en France sont créées des fermes de spiruline qui se consacrent à sa production. On estime que le marché français produit actuellement 40 à 50 tonnes par an. Son avantage est qu’elle nécessite 300 fois moins d’espace que la production de viande de bœuf, consomme 50 fois moins d’eau et possède un rendement énergétique (énergie produite/énergie consommée) 150 fois moindre selon un article de Consoglobe ! C’est un aliment facile à conserver sous forme sèche, dont la culture est rapide et adaptée aux pays arides.

Pourquoi n’est-elle pas massivement utilisée demandez-vous ? La petite algue souffre malheureusement d’un déficit de reconnaissance auprès des organismes internationaux comme la FAO (l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture).

Cela n’empêche pas des initiatives comme Spirulib de voir le jour, une ferme de spiruline créée à Eyzin-Pinet, près de Lyon, en juillet 2013, par Vincent Libeaut. Ce dernier explique : « Après une formation longue au CFPPA de Hyères sur la culture de la spiruline à vocation humanitaire je suis parti pour un périple « spiruline » en Afrique ». C’est une production locale que Vincent Libeaut propose, dans l’optique d’une consommation locale également.

La spiruline est également au centre d’un programme de l’Agence spatiale européenne (ESA), le programme Melissa, qui concerne l’alimentation des astronautes en mission.

Si on peut douter de certaines des propriétés miracles qui lui sont attribuées, on ne peut s’empêcher de reconnaître les grandes qualités nutritives que possède la petite algue bleue. Peut-être qu’après des recherches plus approfondies, et plus reconnues par la communauté scientifique, la solution sera finalement adoptée par davantage d’ONG luttant contre la faim et la malnutrition…

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