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Un soulèvement citoyen pacifiste contre la corruption détrône un leader politique

En Arménie, plusieurs semaines de mobilisation populaire et de manifestations pacifiques dans tout le pays ont réussi à mettre fin au règne de Serge Sarkissian qui était au pouvoir depuis dix ans. Cette situation, sans précèdent pour un ex-Etat soviétique, pourrait bien devenir un exemple de réussite de soulèvement pacifique. Une marche contre la corruption […]

En Arménie, plusieurs semaines de mobilisation populaire et de manifestations pacifiques dans tout le pays ont réussi à mettre fin au règne de Serge Sarkissian qui était au pouvoir depuis dix ans. Cette situation, sans précèdent pour un ex-Etat soviétique, pourrait bien devenir un exemple de réussite de soulèvement pacifique.

Une marche contre la corruption

Nikol Pachinian a été élu Premier ministre mardi 8 mai par le Parlement. Son élection est l’aboutissement de plusieurs semaines de mobilisation populaire, en contestation contre le Premier ministre sortant Serge Sarkissian, au pouvoir depuis dix ans. Le peuple reprochait à Serge Sarkissian, Président de 2008 à 2018, d’avoir utilisé la réforme constitutionnelle de 2015 pour se maintenir au pouvoir une fois ses mandats présidentiels terminés. En effet, cette réforme a transformé l’Arménie en république parlementaire, déléguant le pouvoir exécutif réel entre les mains du Premier ministre.

Début avril, le Parti républicain de Serge Sarkissian a remporté les élections législatives, conservant ainsi la majorité au Parlement. Ce scrutin a été dénoncé par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui a constaté « des achats de vote et des actes d’intimidation des électeurs ». Le 13 avril, Nikol Pachinian a démarré une longue marche à pied de 200km, entre la ville de Gioumri et la capitale Erevan, pour unir le peuple arménien autour d’un slogan : « Merjir Serjin » (« Serge, dégage »).

Nikol Pachinian a d’abord dirigé un journal d’opposition au pouvoir en place et très impliqué dès 2008 contre le nouveau président, Serge Sarkissian. En effet, le Hayastani Hanrabedagan Koussagtsoutioun (HHK, le parti républicain d’Arménie) est entaché de nombreux scandales de corruption. En 2017, l’Arménie faisait partie des pays les plus corrompus au monde, classée à la 113ème place sur 176 par Transparency international. Présent sur la scène politique arménienne depuis 2013, Nikol Pachinian a fait de la lutte contre la corruption son engagement majeur. Durant sa marche, Nikol Pachinian a rencontré les arméniens pour leur demander de rejoindre le mouvement. Il a beaucoup communiqué sur les réseaux sociaux pour que les revendications se répandent dans tout le pays.

Le 17 avril, Serge Sarkissian est tout de même élu Premier ministre. Des dizaines de milliers de personnes se mobilisent alors dans tout le pays, et un immense rassemblement est organisé dans la capitale Erevan, pour protester contre son élection. Face à la foule, Nikol Pachinian déclara : « Sarkissian manque de légitimité et s’est attiré la haine des Arméniens ». Il a ensuite annoncé « le début d’une révolution pacifique de velours », et appelé à « paralyser le fonctionnement de toutes les agences gouvernementales ». 

Un soulèvement pacifique du début à la fin

Un discours clair et compréhensible par tous, un objectif précis et surtout une volonté de garder le mouvement pacifiste ont résonné chez de nombreux jeunes arméniens, notamment les étudiants qui ont appelé à à la dassadul (littéralement : « grève des classes »). Levon Abrahamian, professeur d’anthropologie politique à Erevan, a ainsi expliqué au journal Le Monde : « Comme de nombreux participants et sympathisants, les jeunes ont été séduits par la volonté du leadeur d’opposition de conserver un mouvement pacifiste – les manifestants lèvent les mains en l’air lorsqu’ils approchent des cordons de policiers bloquant les rues. Cette jeune génération est née dans une Arménie déjà indépendante et, contrairement à ma génération, n’a aucun souvenir de l’époque soviétique ni de la période de transition. Et surtout, elle ne connaît pas la peur. »

Cette « révolution de velours » auto-proclamée s’est ainsi révélée juste, ce qui est exceptionnel au vu des dizaines de milliers de personnes mobilisées et des tensions avec le pouvoir en place. Les contestations ont d’ailleurs pris de l’ampleur en réaction à des réponses violentes du gouvernement arménien : la première lors d’arrestations violentes de Nikol Pachinian et d’une centaine de manifestants, et la deuxième à cause d’un débat télévisé entre Pachinian et Sarkissian, où ce dernier a menacé le chef de file de l’opposition de traiter les contestations de la même façon que celles de mars 2008. A cette époque, dix personnes furent tuées pendant de violents affrontements avec la police. La foule protestait contre l’élection de M. Sarkissian au premier tour de la présidentielle, les scrutins ayant été truqués.

Nikol Pachinian a décrit les méthodes pacifiques utilisées comme des « actions décentralisées en réseau » : actes de protestation organisés dans différents quartiers de la ville, marches, sittings, grève générale… Chaque groupe, collectif ou village a inventé ses propres méthodes pour se joindre à la mobilisation générale. Autant d’actions qui, ajoutées au ras-le-bol grandissant de la population contre la corruption endémique qui sévit dans le pays depuis des dizaines d’années, ont participé à la victoire de ce mouvement de libération populaire. 

Fraîchement élu Premier ministre, Nikol Pachinian doit maintenant faire face à de nouveaux défis pour vaincre définitivement la corruption et mettre en place les changements institutionnels promis à la population. Tout d’abord, il va devoir organiser rapidement de nouvelles élections législatives pour obtenir la majorité au Parlement. La « victoire du peuple » serait alors complète. De leur côté, la Russie et l’Union Européenne attendent de connaître son programme en matière de politique extérieure. L’Arménie, en tant que pays ex-soviétique, est de facto fortement lié à la Russie.

Les interrogations se portent aussi sur l’avenir de la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Le champion de la révolution velours pourrait-il être l’espoir d’une résolution pacifique de ce conflit ?

Crédit Photo : Sergei GAPON / AFP

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Laurie Debove

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