La nouvelle est tombée : l’ECHA (Agence Européenne des Produits Chimiques) a annoncé dans la journée qu’elle ne classait pas le glyphosate, principe actif du Round’Up parmi les agents cancérogènes. Cette décision contraste avec l’expertise de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) et ouvre une brèche dans laquelle les industriels peuvent s’engouffrer afin de réautoriser la molécule en Europe.
Pour la petite histoire
Le glyphosate est le principe actif du Round’Up et est l’herbicide/pesticide le plus utilisé au monde toutes catégories confondues. Après un an de bataille entre l’OMS et l’Union européenne, il semblerait que le glyphosate ait encore de beaux jours devant lui. Classé en mars 2015 comme cancérogène probable par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) et l’agence de l’OMS chargée de lister et classer les agents cancérogènes, l’Union européenne n’a pas le même son de cloche. Parallèlement à cette conclusion, le glyphosate était en cours de re-homologation. C’est à dire que l’Union européenne faisait un croche pied à son propre processus afin de réévaluer les risques et de le ré-autoriser en Europe durant les années à venir.
Côté UE, c’est l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) qui a conclu en novembre 2015, soit quelques mois après les conclusions du CIRC et de l’OMS que le glyphosate ne présentait pas de risques de déclenchement de cancer chez l’Homme. Le dossier du glyphosate est historique en termes de controverse et de contrastes entre deux entités internationales dont les équipes d’experts sont reconnues. Les différences entre les avis s’expliquent par les analyses divergentes ; en effet, côté Europe, l’EFSA s’est appuyé sur l’expertise et les études fournies par les industriels producteurs de glyphosate, notamment pour une raison de réglementation (le cahier des charges à suivre est extrêmement précis et doit être suivi à la lettre pour être considéré par la Commission), côté CIRC, les expertises retenues et mises en avant sont celles publiées dans la littérature scientifique, accessibles au public et supposément indépendantes. La principale raison de cette controverse est donc purement administrative ou : comment se jouer des rouages obsolètes de l’Union européenne.
« Cette classification de l’ECHA est totalement incompréhensible. Le CIRC a montré clairement qu’au moins sept études pointent une incidence accrue de certains cancers chez des animaux de laboratoire exposés au glyphosate. »
L’épée de Damoclès finit par tomber
Suite à cette controverse, l’avis de l’ECHA (Agence Européenne des produits chimiques) sensée arbitrer ces positions divergentes et débloquer le processus européen était attendu de tous. C’est aujourd’hui, le 15 mars 2017, qu’est tombé le verdict : « Le comité d’évaluation des risques (CCR) a conclu que les preuves scientifiques disponibles ne répondaient pas aux critères de classement du glyphosate comme cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction« . Une claque violente pour les 60 ONG environnementales accompagnant le principal porteur de projet contre le glyphosate : Générations Futures. Cette association, qui n’a pas relâché la pression depuis le début des discussions, s’attendait au minimum à ce que le glyphosate soit au moins classé comme un « agent pouvant être cancérogène ». François Veillerette, porte-parole de Générations Futures, est abasourdi : « Cette classification de l’ECHA est totalement incompréhensible. Le CIRC a montré clairement qu’au moins sept études pointent une incidence accrue de certains cancers chez des animaux de laboratoire exposés au glyphosate. »
Encore et toujours, les ficelles sont savamment tirées
Les ONG qui se battent pour l’interdiction du glyphosate avait pourtant essayé de monter au créneau en reprochant à l’ECHA de fonder son expertise, au même titre que l’EFSA, sur les études fournies par les industriels eux-mêmes ! En plus, des conflits d’intérêts de plusieurs membres du CCR de l’ECHA avaient été pointés du doigt. Cela ne semble pas avoir suffi. Par ailleurs, pourquoi les industriels rendraient des études qui leur empêcherait de vendre la vache à lait de leur entreprise ? Cela n’a pas de sens. En juin 2016, la Commission européenne avait décidé de prolonger l’autorisation de vente du glyphosate en Europe pour une durée de 18 mois supplémentaires en attendant l’évaluation du produit par l’Agence européenne. La Commission européenne va donc faire une nouvelle proposition dans les mois à venir, principalement basée sur l’avis de l’ECHA. Les dés sont pipés.
Un avenir possible sans glyphosate ?
Seulement, certaines limites sont à apposer à l’infime possibilité de retrait du glyphosate. En effet, comme les nombreux autres pesticides et herbicides, il a fatigué les terres et fait évoluer les espèces végétales et les nuisibles qui ont développé une véritable dépendance à ce produit, devenu indispensable pour tous les agriculteurs conventionnels. Jusqu’ici, le glyphosate avait par ailleurs une réputation modérée par rapport aux autres produits qui attendent patiemment au coin de la rue. La question du bénéfice réel pour l’environnement et la santé se pose lorsqu’on pense au fait qu’aucune mesure parallèle n’est envisagée par les grandes instances. L’agriculture biologique demandant une certaine période de latence durant la remise en jachère des terres ne répond pas à la demande croissante et au rendement attendu par les industriels et les gouvernements. Face à ces limites, une autre question se pose : est-ce que tout ce cirque, toutes ces mesures ont été un jour véritablement considérées par l’Union européenne ? Est-ce qu’un jour, la balance a véritablement penché en faveur d’un avenir sans glyphosate ? Rien n’est moins sûr et quoi qu’il en soit, la bataille pour une alimentation plus saine et un environnement protégé ne fait que commencer.
Sources : Le Monde / Novethic / Pourquoi Docteur / Stopglyphosate

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