La Chasse ! Vaste débat. Entre traditions ancestrales, instinct « animal » de l’Homme et gestion des quotas des animaux « nuisibles », nombreux sont les arguments qui poussent les chasseurs à perpétuer cette pratique. Suite à un sondage IFOP, la majorité des français seraient défavorables à la chasse. Les discussions sont relancées.
Désamour français
Le sondage IFOP commandé par la Fondation Brigitte Bardot souligne un chiffre sans équivoque : 84% des sondés (échantillon de 1 014 individus, dont 12% qui ont déjà chassé) sont opposés à la chasse à courre et 71% se sentent en insécurité lors de promenades au grand air. Ces chiffres cassent les pattes de l’argument de la « tradition ». En effet, si les français désavouent eux-mêmes la pratique, l’intérêt de garder la flamme chasseresse manque de poids. Voici le bilan du sondage publié par Le Monde cette semaine.
La majorité des français sont opposés à la chasse à courre
Favorables à la mise en place d’un dimanche non chassé
Se sentent en insécurité en se baladant en forêt en période de chasse
Accidents de chasse et badauds méfiants
Le chiffre qui nous a interpellés est celui qui concerne le sentiment d’insécurité : 71% ne se sentent pas en sécurité lors de ballades dans la nature en période de chasse. Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot, exprime que ce chiffre pourrait « s’expliquer par la multiplication des accidents depuis l’ouverture de la chasse ». En 2009, 54% des sondés seulement se sentaient menacés contre 61% en 2016 et + 10% aujourd’hui, ces chiffres augmentent parallèlement au nombre d’accidents : déjà 9 accidents mortels pour la saison dont un adolescent de 13 ans abattu en Vendée et une femme de 69 ans descendue dans son jardin par un chasseur l’ayant confondue avec un cerf en Aveyron. Début décembre également, deux chasseurs du Tarn et du Var n’ont pas survécu à leur battue (lorsque les chasseurs avancent en ligne pour pousser le gibier dans un certain sens). La saison 2016-2017 mentionne 143 accidents de chasse dont 18 mortels selon l’ONCFS (Office National de la chasse et de la faune sauvage).

Quelques chasseurs et une grosse gêne
À ces chiffres, le président de la Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen répond que « Dans les lieux publics, comme les forêts domaniales, la chasse est extrêmement réglementée et sécurisée : elle a lieu deux jours par semaine – ni le dimanche ni le mercredi – et elle est indiquée par de nombreux panneaux. Mais la grande majorité du territoire, ce sont des champs et des forêts privées, dont les propriétaires peuvent jouir comme ils le souhaitent. Les promeneurs doivent donc se souvenir qu’ils sont chez autrui », avant de dénoncer un « sondage orienté ».
Christophe Marie est éhonté face un « monde à l’envers : les chasseurs, qui représentent 1,5% de la population, empêchent 98,5% des Français de profiter des activités de plein air en toute sécurité. », « On a la plus grande étendue de chasse en Europe et l’on reste le seul pays européen où cette pratique est autorisée sept jours sur sept. Or, près de 60% des accidents de chasse ont lieu le dimanche, lorsque la nature est fréquentée par des familles en promenade, des randonneurs, des joggeurs ou des cyclistes. ». Les échos de ces accidents dans les médias contribuent également à une augmentation de la part des sondés favorables aux dimanches non chassés : 82% en 2017 contre 78% en 2016 et 54% en 2009. Note importante : les personnes prônant les dimanches non chassés sont autant de citadins que de ruraux. Rappelez-vous ! En 2000, la loi Voynet contraignait ces dimanches sans chasses, cette clause fut abrogée en 2003 par la loi Bachelot.
Qui sont les véritables nuisibles ?
Selon le sondage IFOP, 66% des Français sont opposés à l’autorisation octroyée aux chasseurs, permettant d’abattre les 19 espèces classées nuisibles telles que les renards, les blaireaux, les corbeaux etc, tout au long de l’année. Ensuite, 89% se prononcent contre l’interdiction de la chasse aux trophées et leur importation en France (5ème pays importateur). C’est à dire que les Français comprennent plus facilement l’argument de la « nécessité de détruire les nuisibles » que celui de la tête de sanglier qui prend la poussière au dessus de la cheminée et qui permet à l’oncle Albert de vanter les mérites de son œil de lynx et sa gâchette affutée. C’est pourtant une large majorité qui souhaite rétablir une saison de chasse pour les « nuisibles » ou encore de l’abroger complétement. La vraie question ne serait-elle pas : qui sont les véritables nuisibles quand il n’y a qu’un seul grand prédateur sur toutes les espèces ?

À cheval, Cunégonde !
La chasse à courre est une autre manière de pratiquer la chasse. Côté défenseurs des animaux, elle est jugée comme cruelle, côté chasseurs, elle est jugée élégante, noble et populaire. Les français tranchent : 84% des sondés se disent contre cette pratique (contre 73% en 2005). Cette pratique consiste à poursuivre un cerf avec un équipage de chasseurs, une horde de chiens ainsi que des « suiveurs » non chasseurs à cheval. Le cerf est poursuivi jusqu’à épuisement et est ensuite tué à la main, à la dague. Pour Willy Schraen, les opposants à cette pratique sont des personnes qui n’y connaissent rien : « C’est la chasse qui tue le moins d’animaux (3 000 par an) et qui est une des plus populaires : 300 000 à 400 000 non chasseurs suivent les équipages chaque année. »
Cette pratique de la chasse à courre est très en vogue dans les classes sociales les plus élevées depuis des centaines d’années, est-il réellement pertinent de parler de « pratique populaire » ? Qui sont ces suiveurs ? Sont-ils là pour la chasse ou pour élargir leurs réseaux de connaissances dans ce monde réservé à une certaine élite ? Un des pays berceau de cette pratique ancestrale, l’Angleterre, l’a aujourd’hui interdite, au même titre que la Belgique et l’Allemagne. En France, la sénatrice Laurence Rossignol a déposé une proposition de loi visant à interdire cette pratique le 22 novembre dernier en soulignant sa « grande brutalité ».
Constat établi, maintenant on fait quoi ?
Héloïse Fradkine, sociologue à l’Observatoire sociologique du changement (Sciences Po/CNRS) et auteure d’une thèse sur le monde de la chasse, interrogée par Le Monde, explique que « cette montée de l’opposition à certaines pratiques de la chasse n’est pas nouvelle, elle date du milieu des années 1970 ». Plusieurs raisons à cette opposition croissante sautent aux yeux :
La chute libre du nombre de chasseurs : en effet, jusqu’en 1975, plus d’un homme sur dix chassait contre trois sur cent aujourd’hui.
La recomposition des catégories sociales venues habiter la campagne : cela amène ainsi à un « usage contemplatif de la nature »
L’explosion des défenseurs de la question environnementale et animaliste
Tous les arguments étant dépiautés un à un, il ne reste que le plaisir de la chasse, le retour à l’instinct « animal » de l’Homme.

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