Dans un communiqué publié le 12 octobre, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, et Agnès Buzyn, ministre de la Santé ont annoncé que « la question du rattachement des étudiants au régime général de sécurité sociale est actuellement en cours de discussion » et que la « suppression du RSSE (régime de sécurité sociale étudiante, ndlr) fait partie des pistes étudiées ». Cette mesure fait suite à de nombreuses polémiques et rapport sur l’inefficacité et le gouffre financier que représente ce service, ainsi qu’aux promesses d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle.
Polémiques sur l’inefficacité d’un système obsolète
« 38 % des témoignages reçus font état de retards dramatiques dans la délivrance de la carte Vitale (jusqu’à 3 ans d’attente), quand 11 % décrivent un parcours du combattant pour faire enregistrer le choix de leur médecin traitant, sans lequel les remboursements perçus sont largement minorés (pour une consultation d’un généraliste par exemple, 5,90 € au lieu de 15,10 €) », c’est ce qu’écrit l’UFC – Que Choisir dans un rapport sur les dysfonctionnements de ce système qu’ils critiquent vivement. Ce qui est mis en avant c’est la complexité du système, son inefficacité, et son coût.
Sous l’image de la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF), les mutuelles étudiantes ont vu le jour en 1948 pour répondre à une absence de couverture des étudiants de plus de 20 ans par la Sécurité sociale, un régime qui était loin d’être généralisé. Il s’agissait alors surtout d’une délégation de gestion : l’assuré était remboursé par les mutuelles étudiantes, elles-mêmes remboursées par le régime général. Ce réseau est complexifié en 1972 par l’ouverture à la concurrence et la création de mutuelles régionales. Puis après des scandales à la fin des années 1990, alliant emplois fictifs et détournements de fond, la LMDE remplace en 2000 une MNEF en bout de course. Cette mutuelle étudiante a une couverture nationale, contrairement à la SMEREP et aux autres qui agissent à l’échelle régionale.
Ainsi, depuis 2012 c’est une sarabande de critiques, d’études et de rapports qui fustigent ce système. De Que Choisir en septembre 2012 au Sénat en décembre de la même année, en passant par la Cour des Comptes en 2013 qui consacre un chapitre de son rapport sur la Sécurité sociale aux mutuelles étudiantes. Cette dernière recommande de reconsidérer la gestion de ce service et estime à 69 millions d’euros les économies qui pourraient être faites en intégrant les étudiants dans le droit commun.
Il ressort de tout ceci que la Sécurité sociale délègue la gestion de la santé étudiante aux mutuelles étudiantes en attribuant à celles-ci une rémunération qui, toujours selon Que Choisir, s’élève en 2013 à 92,7 millions d’euros. Ces fonds sont utilisés pour la gestion, mais aussi pour les frais de communication et de promotion des mutuelles étudiantes.

Des témoignages navrants tirés de l’étude de Que Choisir viennent appuyer ce constat de l’inefficacité du régime de sécurité sociale étudiante, celui-ci concernant par exemple les affections longue durée (ALD) :
« Mon fils est pris en charge à 100 % pour une pathologie cardiaque et j’ai moi-même dû contacter le médecin contrôle pour qu’il fasse suivre le dossier à la SMEREP [mutuelle étudiante de la région parisienne, ndlr]. Cela a duré un an et demi durant lesquels il n’était plus pris en charge lors des contrôles cardiaques (l’échographie coûtant 110 euros…). Un nombre de courriers et d’appels interminables sans succès immédiats. Bref une prise de tête qu’un étudiant n’aurait pas supportée et aurait laissé la situation traîner. On a enfin eu sa carte Vitale avec la bonne prise en charge, mais quelle galère ! »
Un projet de refonte qui est loin de faire l’unanimité
En 2015 déjà, la LMDE est écrasée sous une dette de 35 millions d’euros. Une partie de ses prérogatives est transférée à la CNAM (Caisse nationale d’assurance maladie) ; elle ne conserve que l’affiliation des étudiants, la prévention et les complémentaires santé. Ce transfert signe une amélioration depuis 2 ans des services de la LMDE (normal a-t-on envie de dire puisque ce n’est plus elle qui les gère) aux étudiants.
Dans la lignée de cette réforme de 2015 et répondant aux nombreuses critiques, l’exécutif souhaite étudier sérieusement la question d’une refonte du système de sécurité sociale étudiante, comme l’a affirmé Edouard Philippe sur le plateau d’Europe 1, le 9 octobre :
« Il est clair que l’on peut mieux faire dans l’accompagnement aux études des étudiants, en matière de sécurité sociale et peut-être un peu plus encore qu’en matière de sécurité sociale, en matière de santé. »
La suppression du système de sécurité sociale étudiante et le rattachement de ses assurés au régime général qui se profilent sont loin de faire l’unanimité. Les critiques fusent notamment du côté… des mutuelles et réseaux de mutuelles étudiantes. Ahmed Hegazy, président d’emeVia, réseau national des mutuelles étudiantes de proximité, prédit un « accident industriel » et explique que les mutuelles étudiantes ont une expertise dans les problématiques que rencontrent leurs assurés, expertise que n’a pas selon lui la CNAM.
Les principaux arguments reposent sur la spécificité de la situation étudiante, qui nécessite un service adapté et ciblé, service que le régime général ne serait pas capable de fournir.
Les syndicats étudiants ne sont pas non plus unanimes et si le FAGE soutient la réforme, ce n’est pas le cas de l’UNEF qui dénonce fermement cette mesure dans un communiqué en expliquant que « la suppression du RESS ne répondra en rien aux difficultés d’accès aux soins des étudiant∙e∙s » et en exigeant « que le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ouvre dans les plus brefs délais des discussions avec les organisations étudiantes sur la question du RESS et plus largement sur les conditions d’accès aux soins des étudiant∙e∙s ». C’est « une véritable réforme » qui est demandée, et non pas des « annonces sans ambition ».
Il est vrai que jusque là, les ministères chargés de la réforme ont été assez allusifs quant aux conséquences pratiques que cette mesure entrainerait pour les étudiants.

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