Dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche, huit présidents de conseils départementaux ont annoncé vouloir mettre en place un revenu de base sur leur territoire pour trouver une alternative au Revenu de Solidarité Active (RSA) qui « échoue à vaincre la pauvreté ». Cette initiative locale s’inscrit dans la lignée d’une campagne présidentielle marquée par cette idée, portée et popularisée par Benoit Hamon. Vivement défendue comme intensément critiquée, cette expérimentation nous donnera une première idée sur les capacités du revenu de base à faire baisser la pauvreté tout en bouleversant les rapports de forces. Explications.
« Nous voulons être les « laboratoires » où s’inventent les solutions de demain ».
Voici comment se présentent les huit départements (Ariège, Aude, Haute-Garonne, Gers, Gironde, Ille et Vilaine, Meurthe et Moselle, Seine-Saint-Denis) qui ont opté pour le revenu de base, petit frère de l’universel, comme clé pour lutter contre la pauvreté et les inégalités.
Si le point de départ n’est pas le même pour tous, la Seine-Saint-Denis et l’Aude figurant parmi les 10 départements les plus pauvres tandis que l’Ille et Vilaine se porte plutôt bien dans ce classement (enquêtes INSEE 2010), la ligne d’arrivée est similaire : trouver une solution neuve et innovante aux défis des inégalités et de la pauvreté.

Source : Génération RBI
Le RSA semble en effet dépassé pour plusieurs raisons ; difficile d’accès, il laisse plus de 30% de personnes potentiellement concernées par son versement à ses marges. De plus, son montant est particulièrement faible – 545 euros pour une personne seule – et ne permet pas de remédier véritablement au problème de la pauvreté. C’est ce que souligne Fréderic Viguier, sociologue à la New York University et auteur de La cause des pauvres en France, de la Sécu au RSA :
« A mes yeux, la pauvreté est un produit dérivé des inégalités économiques et sociales et la seule manière de lutter vraiment contre la pauvreté consiste à trouver les moyens de transformer durablement et centralement les rapports de force entre groupes sociaux ».
Et pour cause, le RSA tel qu’il est aujourd’hui ne transforme en rien les rapports de force. Le fait même qu’il faille le demander pour l’obtenir en témoigne. Nous avons contacté Benoît Hamon qui dénonce d’ailleurs le double jeu de Bercy :
« Les dispositifs de lutte contre la pauvreté reposent sur la demande de ce dispositif. Les pauvres sont souvent isolés et n’en font donc pas forcément la demande. Et Bercy le sait pertinemment. On fait des économies sur le dos des pauvres. »

Benoit Hamon à la tribune lors de son meeting à Saint-Denis. Crédits : Marion Germa
La logique du revenu de base est toute autre : il est en effet versé automatiquement, sans demande préalable, et permet ainsi à tous de disposer d’un revenu socle, sans conditions a priori. Le vainqueur de la primaire socialiste, qui avait fait du Revenu Universel d’Existence sa mesure phare dans la lutte contre les inégalités et la misère, se dit « heureux » de voir si rapidement son idée mise en application, même s’il tient à rappeler que « ce n’est qu’un début ».
Et c’est un peu l’impression générale donnée par cette tribune, de promouvoir une idée, certes novatrice, mais pas encore réelle. Les huit présidents départementaux entendent « élaborer un modèle robuste, crédible scientifiquement, audacieux socialement et soutenable financièrement grâce à des micro-simulations ». Si cette jolie phrase ouvre de belles perspectives, elle reste assez floue pour être pleinement satisfaisante. C’est ce qui gêne en particulier Fréderic Viguier qui s’interroge :
« Quel est le niveau choisi pour ce revenu et comment s’assurera-t-on qu’il demeure élevé ? Comment est-il financé ? Comment s’articule-t-il avec les revenus du travail ? Et que fait-on, à côté, pour lutter contre le chômage ? ».
Tant de réponses, aujourd’hui, inconnues qui permettraient de savoir si ce projet de revenu de base, qui sera présenté par les huit présidents départementaux au Parlement, est capable d’inverser réellement les rapports de force entre les groupes sociaux pour lutter efficacement contre la pauvreté.
Crédits photo couverture : MRB/flickr/CC

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