C’est la réforme de trop. Présentée comme un régime universel juste et équitable, la transformation du système de retraites en système à points ne ferait que renforcer les inégalités. Les premiers éléments dévoilés par le gouvernement ont confirmé la crainte de nombreux pans de la population. En refus d’un monde néolibéral inhumain, une mobilisation massive entame une grève générale le 5 décembre.
Un système qui augmenterait les inégalités
Le Haut commissaire Jean-Paul Delevoye doit présenter ses conclusions finales le 9 décembre, avant l’arbitrage du gouvernement à la fin de l’année et une discussion prévue au Parlement début 2020. Sous le slogan de ce régime universel qui supprimerait les régimes spéciaux « où un euro cotisé donnerait les mêmes droits à tous », de nombreux spécialistes sonnent l’alerte et décryptent les éléments de novlangue présentés par le gouvernement.

« Le projet du gouvernement prévoit un financement du système par une cotisation retraite dont le taux global serait fixé à 28,1% sur tous les salaires bruts inférieurs à 120 000 euros par an, avant de chuter subitement à seulement 2,8 % au-delà de ce seuil. La justification officielle est que les droits à la retraite dans le nouveau système seront plafonnés à ce niveau de salaire. Le rapport Delevoye va jusqu’à se féliciter que les super-cadres seront néanmoins soumis à cette cotisation déplafonnée de 2,8 %, afin de marquer leur solidarité vis-à-vis du troisième et du quatrième âge. Au passage, on ignore de nouveau que les salaires compris entre 100 000 et 200 000 euros annuels correspondent généralement à de très longues espérances de vie, et bénéficient largement des cotisations acquittées par les salariés modestes à l’espérance de vie plus courte. En tout état de cause, cette contribution de 2,8% à la solidarité au-delà de 120 000 euros est beaucoup trop faible, surtout s’agissant de niveaux de rémunération dont la légitimité même peut être contestée. C’est l’impôt régressif qu’on invente là et c’est un système qui montre que le gouvernement n’a toujours pas compris la demande de justice sociale des français.e.s. » explique ainsi Thomas Piketty, économiste et auteur
Avec ce nouveau système, les français.e.s devront travailler plus longtemps (jusqu’à 67 ans contre un âge légal à 62 actuellement) pour cumuler tous les points nécessaires à une retraite à taux plein, selon leur parcours professionnel. Ceux qui voudraient partir à la retraite à 62 ans subiraient une décote. La « clause du grand-père », elle, propose de faire entrer ce système en vigueur seulement pour les nouveaux entrants au marché du travail en 2025, épargnant ainsi les générations déjà actives. Si le système était si juste que ça, cette entrée en vigueur tardive pose douloureusement question.
« Le système par point, en réalité, ça permet une chose, qu’aucun homme politique n’avoue. Ca permet de baisser chaque année le montant des points, la valeur des points, et donc de diminuer le niveau des pensions. » précisait François Fillon sur Public Sénat
Les populations les plus touchées par cette diminution du niveau des pensions seraient les mères célibataires, comme le démontre un rapport de l’Institut de la Protection Sociale, mais aussi les travailleurs avec une espérance de vie moins longue dû à de pénibles conditions de travail !
Le feu aux poudres d’une contestation sociale qui s’annonce historique
Et les femmes ne seront pas les seules concernées : « le smicard perdra 20% de sa retraite, la fonctionnaire -15%, le salarié du privé -23%. Pas touche, en revanche, aux 300 milliards de revenus financiers, aux dividendes qui ont triplé… » dénonce François Ruffin à l’Assemblée Nationale.
Un calculateur a ainsi été mis en ligne pour que chacun puisse faire sa simulation. Une grande majorité de la population a donc décidé de rallier l’appel de la RATP pour exprimer son ras-le-bol de politiques accélérant la casse sociale et perpétuant un système financier aggravant les inégalités.

Enseignant·e·s, urgentistes, étudiant·e·s, écolos, pompiers, travailleur·euse·s, précaires, retraité·e·s, chômeur·euse·s, usager·ère·s, citoyen·ne·s, sans-papier, quartiers, ruraux, paysan·ne·s, indépendant·e·s, entrepreneur·e·s, fonctionnaires, consommateur·rice·s, cadres, artistes, Gilets jaunes, syndicats de tous horizons vont joindre leurs forces pour lancer une grève générale le 5 décembre dans toute la France ! L’objectif : arrêter ce système mortifère et injuste.
« Ça bouillonne dans les têtes, dans les corps, dans les boîtes. Ça craque de partout, et tout le monde craque. C’est que les choses sont simples, en fait : cette société est un train qui fonce au gouffre en accélérant. Plus les étés deviennent caniculaires, plus on brûle de pétrole ; plus les insectes disparaissent, plus on y va sur les pesticides ; plus les océans se meurent dans une marée de plastique, plus on en produit ; plus le monde de l’entreprise devient toxique, plus ses pires techniques de management se généralisent ; plus les gens crèvent la gueule ouverte, plus les rues regorgent de publicité pour des marques de luxe ; plus la police éborgne, plus elle se victimise. Au bout de ce processus de renversement de toute vérité, il y a des Trump, des Bolsonaro, des Poutine, des malins génies de l’inversion de tout, des pantins du carbofascisme. Il faut donc arrêter le train. La grève est le frein d’urgence. » peut-on ainsi lire sur lundi.matin
Le bras de fer s’annonce historique, à l’image de la contestation sociale de 1995. C’est le refus d’un peuple qui ne veut plus subir les aménagements d’une caste sociale déconnectée de son quotidien. Pour enfin construire une société solidaire et résiliente face aux périls climatiques que nous affrontons déjà.
Image à la une : Hermann Click / Hans Lucas via AFP