Avec trois lieux stratégiques occupés à Londres, Berlin et Paris, le mouvement Extinction Rebellion a lancé avec succès son opération internationale « pour la suite du monde ». A Paris, la place du Châtelet a été investie par un millier d’activistes pour le climat. Leur objectif : faire prendre conscience de la gravité de la situation et des efforts à fournir maintenant en promouvant une culture régénératrice, et non plus destructrice.
Stopper la course à la croissance
Arrêter cette course mortifère à la croissance qui nous conduit droit dans le mur, telle est la symbolique des actions de blocage menées par Extinction Rebellion un peu partout dans le monde en octobre. Né il y a un peu plus d’un an au Royaume-Uni, Extinction Rebellion compte désormais plus de 100 000 militants dans 70 pays. Et avec cette grande opération d’action internationale, ils sont un peu plus à rejoindre les rangs du mouvement chaque jour.

Depuis lundi 7 octobre, la place du Châtelet à Paris est maintenant le théâtre d’une grande occupation où un millier de militants se sont réunis pour porter leurs trois revendications :
- « Dire la vérité » en alertant la population sur la gravité de la crise écologique et sociale en cours.
- « Agir maintenant » pour atteindre la neutralité carbone en 2025 par une descente énergétique planifiée et enrayer l’extinction de la biodiversité
- « Réparer la démocratie » avec la mise en place d’assemblées citoyennes et d’assemblées populaires au niveau des communes et des lieux de vie pour une transition la plus juste et équitable.
« Les gens doivent prendre conscience des véritables conséquences d’une trajectoire à +5°C pour la société telle que le dessine la tendance actuelle : des famines, des catastrophes climatiques et donc des morts. Aujourd’hui, ce qui a été fait jusque-là n’est pas suffisant donc on a besoin de passer des crans, on fixe notre mission sur ce qui est nécessaire et pas ce qui paraît possible. La neutralité carbone en 2025 paraît impossible, mais c’est nécessaire. A chaque fois qu’il y a un rapport qui sort c’est de pire en pire. On est tellement unis face aux menaces existentielles qui pèsent sur nous maintenant qu’on se rend compte qu’on est dans le même bateau. On ne va pas éviter les tempêtes c’est sûr, mais en s’entraidant on trouvera le courage pour y faire face collectivement. Faire vivre des assemblées où il y a des désaccords sur des points de fond mais pourtant continuer à avancer ensemble pendant ces blocages, c’est la plus belle preuve que c’est possible. Que tout le monde se mobilise pour faire vivre ces lieux-là, c’est beau, c’est vraiment beau. » confie Anton, membre d’Extinction Rebellion France, à La Relève et La Peste
« Une culture régénératrice »
En France comme dans le monde entier, chaque groupe local a décidé lui-même de ses moyens d’actions et de sensibilisation. Au programme : blocages, conférences, animations, retours d’expérience sur les luttes sociales, gouvernance partagée, formation des membres et échange avec le public. Le propos est brut mais l’ambiance chaleureuse, et de nombreuses formes d’expression artistique rythment les journées des militants. A Paris, malgré le mauvais temps, les militants sont déterminés à tenir l’occupation le plus longtemps possible.
« On ne fait pas la révolution du lundi au mercredi. L’objectif est de rester sur place le plus longtemps possible. L’été dernier, j’ai commencé à me renseigner sur la crise climatique et ressentir l’éco-anxiété, être abasourdi par tous les chiffres que j’ingurgitais entre les livres de Pablo Servigne, les conférences de Jean-Marc Jancovici, et les interviews de Thinkerview. En fait, j’ai ressenti une vraie perte de sens et je me suis dit si tout est vraiment foutu et qu’on va dans cette trajectoire, à quoi bon continuer ? C’était un vrai choc émotionnel et psychologique. En novembre de l’année dernière, j’ai découvert XR UK et le logo, le côté inclusif intergénérationnel à la fois apartisan et radical a résonné avec l’angoisse que j’avais. Il y a un de nos slogans que j’aime beaucoup « quand l’espoir meurt, l’action commence. » Mon angoisse s’est transformée en une rage d’agir, on a besoin d’un effort de guerre pour inverser la tendance et j’ai envie de faire partie de la résistance. Je veux pouvoir répondre fièrement de mes actes quand tout était encore possible. » raconte Tothoreau, membre d’Extinction Rebellion France, à La Relève et La Peste

Le logo d’Extinction Rebellion est un sablier qui représente le peu de temps qu’il reste pour limiter les effets de la crise climatique et d’une sixième extinction de masse des espèces vivantes. Pour les activistes, les blocages leur permettent aussi d’expérimenter et faire vivre une culture du soin, des uns et des autres comme du vivant. Ils souhaitent mettre en œuvre une culture régénératrice des écosystèmes, à l’inverse de la culture dominante actuelle qui entretient la hiérarchie et la domination du vivant.
Pour l’heure, les rapports des manifestants avec les forces de l’ordre se passent calmement et dans l’échange. Les activistes sont tous conscients des risques juridiques et physiques qu’ils prennent en cas d’évacuation forcée. Mais pour eux, « ils prennent moins de risque à agir qu’à rester les bras croisés sans rien faire. » La Rébellion pour le vivant est lancée.
Crédit photo à la une : Virginie Merle / Hans Lucas