3 millions de vues en 24h. Le succès de la vidéo créée par la CGT du CHU de Toulouse est malheureusement la manifestation du malaise présent au sein des hôpitaux français. Surchargés, les soignants souffrent et sont prêts à se faire entendre.
Dans toute la France, les services de différents hôpitaux se mettent en grève les uns après les autres, pour les mêmes raisons. Manque de moyens, diminution du nombre de personnel alors que celui des patients augmente, conditions de soins catastrophiques… Le service de santé public français va mal, à l’image des révélations du documentaire « CHU de Grenoble : la fin de l’omerta », qui montre à quel point l’hôpital public français est « au bord de l’implosion ».
Le premier épisode avait été réalisé au CHU de Grenoble suite au suicide d’un brillant neurochirurgien, très apprécié par l’ensemble du personnel soignant.
Mais le personnel hospitalier n’est pas le seul à souffrir du manque de moyens, les patients sont eux aussi touchés, parfois même mis en danger. Julien Terrier, manipulateur radio et secrétaire de la CGT au CHU de Toulouse témoigne :
« Des pathologies nouvelles apparaissent dans les services, comme à la maternité ici. Les mères qui viennent d’accoucher développent des escarres depuis qu’ils ont changé le matériel des tables. Ce n’était jamais arrivé. Les soignants tirent la sonnette d’alarme mais au niveau de la direction, c’est le blocage total. »
La vidéo réalisée par le personnel soignant du CHU de Toulouse est une nouvelle forme d’expression de leur frustration, mais surtout un appel à faire converger les luttes, face à un gouvernement menant des réformes tous azimuts en oubliant souvent d’écouter les acteurs de terrain.
Juste hier, Emmanuel Macron tempêtait « On met un pognon de dingue dans les minimas sociaux et les gens ne s’en sortent pas » en précisant qu’il « faut prévenir la pauvreté et responsabiliser les gens pour qu’ils sortent de la pauvreté. Et sur la santé c’est pareil. Tout le système de soins que je veux repenser, c’est aller vers plus de prévention pour responsabiliser, y compris les acteurs de soins. »
Mais comment demander aux acteurs de soin de faire de la prévention quand ils n’ont même pas les moyens d’exercer leur métier dans des conditions de travail dignes ? Faire valoir leurs revendications est aussi un combat :
La grève est souvent symbolique, les équipes médicales se relayant pour assurer un service de soin minimum aux patients. A l’hôpital du Rouvray, c’est suite à 18 jours de grève de la faim que le personnel a obtenu gain de cause.
« La grève est notre seul moyen d’expression légal : on ne peut pas fermer des services, on n’a pas beaucoup de poids et les conflits s’enlisent. Au CHU de Toulouse, on demande que les élus du personnel aient le droit de véto sur des projets de restructuration qui nous paraissent incohérents. Ici, l’activité augmente de 3 à 4% chaque année, alors que l’effectif de personnel a baissé de 180 Temps Plein ces dernières années (2014-2018), pas besoin d’être un économiste pour voir qu’on fonce dans le mur.» Julien Terrier
Pour l’instant, la plupart du personnel hospitalier ne mise pas grand espoir sur la réforme de la santé que veut conduire le gouvernement. Réformer la tarification à l’activité, oui, mais l’idée d’un forfait au soin a de quoi leur donner des sueurs froides.
Ce procédé augmenterait la part des mutuelles tout en réduisant celle de la Sécurité Sociale, l’accès aux soins serait alors déterminé par les revenus des patients.
L’objectif du clip du Chu de Toulouse est de « montrer les aberrations du système actuel de soin que tout professionnel vit dans sa chair… et de montrer que l’on peut se mobiliser, que la résignation n’est pas la bonne solution pour maintenir les bases que sont le système de sécurité sociale, l’accès universel, la non-marchandisation. »
Pour faire valoir leurs revendications et l’urgence de la situation, les personnels soignants du Chu de Toulouse en sont convaincus : l’union fait la force. Et de rappeler le vœu d’Ambroise Croizat, fondateur de la Sécurité Sociale : « chacun cotise en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins »