Au début du mois d’août, Regards Citoyens et les questeurs de l’Assemblée nationale avaient convenu d’un rendez-vous pour échanger sur « le système de mesures » de l’association, jugé « totalement trompeur » par les questeurs. Alors que Regards Citoyens voyaient dans cette entrevue un moyen d’améliorer leur dispositif de publication des activités parlementaires, la discussion a vite tourné au procès d’intention de la part des parlementaires qui dénonçaient un « système pervers » contribuant à la « valorisation des trolls parlementaires. »
Le site RegardsCitoyens.org est une plateforme de diffusion et de partage de l’information publique. Créée en 2009, cette association a pour but de rendre davantage visibles les informations publiques pour éclairer les citoyens sur le fonctionnement des institutions démocratiques. Ainsi, elle s’inscrit dans une volonté de développer la transparence de la vie politique pour permettre aux citoyens d’avoir un regard sur l’activité de leurs représentants.



(Exemples aléatoires des mesures fournies par le site NosDéputés.fr)
Pourtant, du côté des parlementaires, l’association a pu être perçue comme un système entretenant une forme d’information partielle et erronée sujette à l’antiparlementarisme. En témoigne l’exaspération des députés face aux interpellations des citoyens leur reprochant un absentéisme chronique, qui pourrait parfois être injustifié dans la mesure où certaines informations (notamment la délégation des votes) ne permettent pas à l’heure actuelle d’être rendues publiques.
C’est entre autres pour remédier à ces défaillances que Regards Citoyens avait convenu d’une rencontre avec les questeurs de l’Assemblée nationale, à savoir Laurianne Rossi (EM), Florian Bachelier (EM) et Thierry Solère (LR). Mais l’échange qui devait permettre à cet « observatoire impartial et indépendant de l’activité parlementaire » (le site NosDéputés.fr) de soumettre ses propositions et recueillir celles des questeurs pour améliorer le système de transparence a finalement vite pris la forme d’un « procès », souligne l’association dans leur lettre envoyée le 4 août aux Questeurs de l’Assemblée nationale qui a été rendue publique.

(Les trois questeurs, de gauche à droite : F. Bachelier, L. Rossi et T. Solère)
En effet, les questeurs auraient accusé la plateforme d’être un « système pervers », portant le ferment d’un « antiparlementarisme » et contribuant à la « valorisation des trolls parlementaires. » Pis encore, les trois députés questeurs de l’Assemblée nationale auraient « suggér[é] une suspension de plusieurs mois d[u] site », faisant valoir que « l’Assemblée fonctionnerait mieux sans [leur] travail associatif », rapporte David Gayou, administrateur chez Regards Citoyens, dans une interview pour Capital.
Si David Gayou souligne bien qu’il arrive régulièrement que certaines de leurs données soient mal interprétées, la réaction des questeurs reste selon lui totalement incompréhensible, puisque c’est justement parce que certaines informations ne sont pas rendues publiques que subsiste une forme d’opacité susceptible de provoquer des réactions injustifiées.
« L’opacité nourrit l’antiparlementarisme et les fantasmes » (François De Rugy)
Pourtant, les propositions portées par l’association ne semblaient pas, à première vue, être là pour déplaire aux députés, bien au contraire même. L’une de leurs propositions – qui avait d’ailleurs été défendue par le président de l’Assemblée François de Rugy – consistait à rendre les délégations de vote transparentes. D’après Regards Citoyens : « Cette transparence, qui est la norme dans la plupart des parlements modernes, permettrait de prendre enfin en compte les scrutins électroniques comme sources d’information sur la présence en hémicycle, comme nous le demandent régulièrement de très nombreux anciens et nouveaux députés depuis près de huit ans. » Ainsi, cela permettrait de rendre la présence des parlementaires plus claire dans la mesure où, même si un député est absent lors du vote il peut déléguer sa voix à un autre député ; or, pour l’instant, ces délégations se déroulent dans l’opacité la plus totale.

Autre proposition, qui est peut-être la source du dissensus : la transparence des activités de la questure, « l’un des secrets les mieux gardés du Parlement » détaille David Gayou. Les trois questeurs, élus par leurs pairs, « sont chargés des services financiers et administratifs. Aucune dépense nouvelle ne peut être engagée sans leur avis préalable. » Ils s’occupent donc de la gestion « des aspects administratifs et matériels de la vie à l’Assemble ». Actuellement totalement inaccessible, Regards Citoyens demandaient à ce que le « Règlement budgétaire comptable et financier de l’Assemblée nationale » soit communiqué afin que les activités financières de l’Assemblée puissent sortir de l’opacité.
L’attaque ad hominem des questeurs à l’égard de l’association, qui pourtant ne proposait qu’une amélioration de leur dispositif pour remédier aux interprétations hasardeuses contribuant à écorner l’image des députés (ils n’ont pas besoin de ça vous me direz), reste largement incompréhensible. Que penser d’une institution qui, d’un côté vote une loi de moralisation de la vie publique, et de l’autre semble vouloir perpétuer des lieux d’opacité, sacrifiant ainsi tout espoir de revitalisation de la confiance envers nos députés ?

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