4 louveteaux sont nés ce printemps sur le plateau de Millevaches. Après l’annonce en mars de la présence de deux loups par Carmen et Vincent, ces naturalistes de l’association Carduelis dévoilent la reproduction exceptionnelle des deux individus. Leur objectif ? Éviter que les membres de cette meute unique en France ne soient abattus.
La rencontre de deux lignées
Le retour du loup en France s’est fait par l’arrivée naturelle d’individus depuis l’Italie. La grande majorité des loups aujourd’hui présents dans le pays sont donc issus de la lignée italo-alpine (canis lupus italicus), distincte d’autres populations de loups présentes en Europe, reconnaissable aux liserés noirs sur les pattes antérieures.
Mais depuis 2017 des loups issus de population d’Europe centrale, de la lignée « germano-polonaise », arrivent en France. Jusqu’alors, aucune reproduction entre ces deux lignées de loups n’avait été constatée dans le pays. Un mâle germano-polonais s’était installé sur le plateau de Millevaches fin 2021, mais il a été abattu en mai 2023, à la suite d’un tir de défense lors de l’attaque d’un troupeau, autorisé par la préfecture de Corrèze.
Un an plus tard, deux loups s’installent à nouveau sur ce territoire inoccupé : un mâle germano-polonais et une femelle italo-alpine, comme l’expliquaient Carmen et Vincent pour La Relève et La Peste. Au printemps 2025, ils ont donné naissance à 4 louveteaux.
« Nous sommes la région où on a eu cette chance d’avoir un mâle germano-polonais, et une femelle de lignée Italo-Alpine, explique Carmen. C’est exceptionnel ! Ces quatre louveteaux sont issus de ce brassage génétique. C’est une première en France ».
Cette reproduction est aussi exceptionnelle car elle a eu lieu hors de l’arc alpin, où se concentrent la plupart des meutes, et ce, malgré un tir ayant gravement blessé le mâle à la cuisse en juillet 2024.
« Cette naissance est de l’ordre du miracle, renchérit Carmen. La survie de ces 2 adultes n’était pas gagnée. On pensait que le mâle allait mourir l’année dernière quand il a pris cette balle ».
En plus de cette famille, au moins un autre loup est présent sur le plateau de Millevaches : 7 individus au total.
Les louveteaux photographiés par des pièges-photo – Crédit : Association Carduelis
Une meute menacée
Malgré leur statut d’espèce strictement protégés, les loups doivent faire face aux tirs de défense. Dans cette région d’élevages plein air peu préparés à l’arrivée de prédateurs, ces derniers commettent des attaques sur les troupeaux d’ovins. Les préfectures prennent alors des arrêtés de tirs : dérogations permettant d’abattre des loups.
En mars, Carmen et Vincent avaient publié une pétition contre l’abattage des deux loups et organisé une manifestation avec l’association One Voice devant la préfecture de Corrèze. Aujourd’hui, ils continuent d’alerter sur les menaces pesant sur la meute.
« Les autorisations de tirs létaux continuent à être délivrées par la préfecture, et les louvetiers sont régulièrement en place pour tenter d’abattre ces loups, s’alarment Vincent et Carmen. Nous le répétons, tuer systématiquement des loups ne résout en rien les problèmes d’attaques sur les troupeaux, car d’autres loups viendront les remplacer, la situation en Corrèze ces dernières années en est la meilleure preuve ».
Les deux naturalistes alertent également sur ce qu’ils présument être des tentatives de braconnage :
« Il y avait pas mal de circulation de personnes dont on reconnaît les véhicules, notamment la nuit. Il y a eu un déploiement de pièges photos des louvetiers, mais aussi de chasseurs », raconte Carmen.
« On les voyait beaucoup tourner, et ils nous ont volé énormément de pièges photos, renchérit Vincent. On soupçonne qu’ils préparent quelque chose : peut-être qu’ils veulent être plus peinards pour passer à l’action ».
Le mâle germano-polonais – Crédit : Association Carduelis
« Cherchons des solutions pour coexister ».
Loin de nier le problème que représente l’installation de ces loups dans des systèmes d’élevage pastoraux, Carmen et Vincent insistent sur la nécessité d’accentuer la mise en place de moyens de protection.
« Il faut axer sur la mise en place des mesures de protection plutôt que sur les autorisations de tirs létaux, pour soutenir efficacement les éleveurs sur le long terme » estiment-ils.
De leur côté, la FDSEA (branche départementale de la FNSEA), les JA (Jeunes Agriculteurs) et le MODEF de Creuse et Corrèze ont organisé un rassemblement de plusieurs centaines de personnes, élus, agriculteurs, chasseurs, mobilisés « face à la prolifération des loups ». Ils demandent plus de possibilités d’effectuer des tirs létaux et une régulation de l’espèce.
« Il y a beaucoup d’éleveurs sur le plateau qui réfléchissent aux moyens de cohabiter, assure Carmen. Mais un pôle d’éleveurs et de syndicats agricoles sont dans l’immobilisme total, ils ne veulent rien faire pour s’adapter et ne pensent qu’à éliminer les loups. Ce sont les mêmes syndicats qui défendent la loi Duplomb, qui défendent le fait de remettre dans le circuit des pesticides dont on connaît la dangerosité. Ils ne sont pas là pour défendre les éleveurs.
On demande aux politiques et aux autorités de discuter avec tout le monde et d’écouter les associations qui font du suivi, qui font des études, plutôt que seulement des syndicats qui appellent à éliminer les loups. »
L’association continue son travail de surveillance sur le devenir des quatre louveteaux.
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