Le Bassin du Congo, deuxième forêt tropicale de la planète après l’Amazonie, abrite depuis deux siècles les Pygmées Bakas dans l’Est du Cameroun, soutenus par l’organisation Survival International qui défend leurs droits pour la survie. Cependant le WWF a mis en place des moyens pour protéger la forêt et les animaux du Bassin du Congo, empêchant le peuple forestier d’Afrique Centrale de chasser et cueillir dans les aires naturelles protégées. Les deux ONG n’ont toujours pas trouvé de terrain d’entente, chacune d’elles défendant des intérêts différents.
Minorité marginalisée, les Pygmées seraient environ 500 000 en Afrique, selon l’ONG Survival International (mouvement mondial pour les droits des peuples autochtones), dispersés en plusieurs groupes ethniques et linguistiques sur un territoire allant de l’océan Atlantique aux Grands lacs. Parmi eux, les Bakas, vivant principalement au Cameroun et au Gabon, représentent une population estimée de 30 à 40 000 individus couvrant différents pays du Bassin du Congo. Considérés comme les derniers chasseurs-cueilleurs, les Bakas ont été soumis à de nombreux changements sociaux durant ces dernières décennies, vivant en semi-sédentaires, principalement dans des villages créés le long des pistes forestières.

Visant le WWF comme responsable de la dégradation des droits des peuples autochtones dans la gestion des parcs nationaux du Bassin du Congo, Survival attaque l’organisation environnementale fin septembre 2017 et publie un rapport intitulé “Comment allons-nous survivre? La destruction des tribus du Bassin du Congo au nom de la Conservation” qui laisse un profond sentiment de malaise. Survival évoque alors l’expulsion des Bakas de leurs terres ancestrales au nom de la conservation de l’environnement, et les violences commises envers eux par les éco-gardes :
« Les parcs nationaux du Cameroun ont été créés sur les terres ancestrales des Baka sans leur consentement. Les Baka qui ont toujours chassé et collecté de nombreux produits dans la forêt, sont maintenant criminalisés parce qu’ils pratiquent la chasse de subsistance, la collecte d’herbes médicinales, de plantes alimentaires ou autres produits de la forêt pour construire leurs maisons, ou même leurs lieux de culte. […] Des gardes forestiers et des soldats les harcèlent, les torturent et parfois même les tuent parce qu’ils chassent dans les parcs nationaux qui ont été créés sur leurs terres. Un représentant officiel du gouvernement a ouvertement admis que la torture était utilisée pour obtenir des renseignements sur le braconnage. »
De son côté le WWF estime qu’ils ont besoin d’éco-gardes pour protéger la forêt et les animaux et que c’est au gouvernement de mettre en place les mécanismes de consultation des populations. L’organisation affirme qu’elle fait part aux autorités des exactions commises par les éco-gardes mais elle ne retirera pas son appui financier – qui rendrait difficile l’activité des parcs nationaux – car elle n’en voit pas l’intérêt :
«Si nous cessons d’équiper les gardes, ils ne pourront plus faire leur travail. Ce ne sera pas productif. Nous avons besoin de gens pour protéger la forêt et les animaux. Il y a beaucoup d’armes qui circulent, beaucoup de braconnage. Il nous faut une présence sur le terrain » déclare Frederick Kwame Kumah, directeur de WWF Afrique

Pour prévenir des abus commis sur le terrain, Frederick Kwame Kumah affirme que le WWF a mis en place un système de “lanceurs d’alerte” au sein de leur personnel pour détecter d’éventuels problèmes. Ajoutant qu’il n’est pas en leur pouvoir d’arrêter les gens et de les punir, il explique dans une interview donnée en septembre 2017 :
“Nous transmettons les plaintes et certaines ont conduit à des sanctions que le gouvernement camerounais a rendues publiques. Depuis 2015, cinq écogardes ont été sanctionnés à la suite de plaintes que nous avons transmises au ministère camerounais de la forêt et de la faune sauvage. Mais, dans beaucoup de cas, nous manquons d’informations précises.”
Depuis la médiation menée dans le cadre de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économique) en décembre 2016 – suite à la plainte déposée par Survival International contre WWF pour violation des droits de l’Homme – Survival s’est retiré du processus le considérant biaisé, et WWF préférant la collaboration au conflit déplore cette décision.
Ce conflit prend alors la tournure d’un serpent qui se mord la queue lorsque Survival déclare ne pas vouloir collaborer tant que le WWF ne “changera pas d’attitude” et que ce dernier affirme ne pas être responsable des violences subies par les populations autochtones.
Affaire à suivre.
Crédits photos : Salomé/Survival

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