En janvier dernier, la préfecture de Seine-et-Marne autorisait l’exploitation de nouveaux puits pétroliers à Nonville (Seine-et-Marne), à proximité d’une nappe phréatique alimentant les Franciliens. Inquiet des conséquences sanitaires et écologiques, un recours en justice a été déposé en avril par Eau de Paris, aujourd’hui soutenu par plusieurs associations.
Puits de pétrole en Seine-et-Marne
« On joue les prolongations, on cherche à exploiter la dernière goutte de pétrole en Seine-et-Marne » pointe Jean-François Dupont, coprésident de France Nature Environnement Seine-et-Marne.
Les Amis de la Terre France, FNE Ile-de-France, FNE Seine-et-Marne, Notre Affaire à Tous, Réseau Action Climat et Reclaim Finance ont déposé, mi-octobre, deux interventions juridiques complémentaires au recours initié par Eau de Paris, régie municipale chargée de l’acheminement de l’eau potable dans la capitale.
Elles dénoncent la « contradiction avec les engagements de la France à sortir des énergies fossiles », ainsi que la nuisance du projet par rapport « à la lutte contre le dérèglement climatique ».
« Graves insuffisances de l’étude d’impact environnemental »
L’entreprise Bridge Energies a été autorisée à étendre son exploitation de Nonville de 10,7 km2 à 53,3 km2. Le site se situerait alors à 1,5 kilomètre d’une nappe phréatique qui alimente en eau potable les habitants de la ville de Villemer ainsi que 180 000 parisiens.
Selon Eau de Paris, « l’étude d’impact ne répond pas aux exigences du SDAGE (Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux) et sous-évalue les risques pour des captages classés prioritaires ». L’Autorité environnementale d’Île-de-France renchérit, estimant qu’il existe des risques de pollution des eaux et de la nappe phréatique lors des forages.
Les nouveaux puits seront localisés à proximité de la rivière de Lunain, sous affluent de la Seine classée Natura 2000, de la forêt de Fontainebleau et du parc régional du Gâtinais. L’exploitation rentrerait alors dans le périmètre de protection sanitaire et écologique de ces milieux naturels, ce qui proscrirait « toutes activités polluantes » insistent les associations. Ces dernières rappellent également qu’aucune étude d’impact « digne de ce nom » sur la biodiversité et les espèces protégées alentour n’a été effectuée.
Jean-François Dupont, coprésident de France Nature Environnement Seine-et-Marne, pointe également du doigt la non conformité de l’expansion avec le Plan local d’urbanisme (PLU) de Nonville, qui « n’autorise pas de construction à vocation industrielle sur une zone agricole ».
« Le dossier d’autorisation apparaît entaché de très lourdes irrégularités, et ne pouvait être légalement délivré par le préfet en l’état » dénonce Louis Cofflard, Avocat au Barreau de Paris, représentant Les Amis de la Terre France, France Nature Environnement Ile-de-France, France Nature Environnement Seine-et-Marne, le Réseau Action Climat et Reclaim Finance.
Bridge Energies : « Une solidité financière très douteuse »
Exploiter un site pétrolier suppose, pour les entreprises, d’avoir les capacités techniques et financières pour faire face aux risques liés à leurs activités. Avant l’octroi d’une autorisation d’exploitation, le Code minier oblige les préfectures à inspecter minutieusement ce point. Là encore, le doute subsiste !
« Le préfet a présenté un dossier lacunaire. Il n’a pas demandé certaines informations financières obligatoires. Ces informations pourraient démontrer que Bridge Energies n’a pas les ressources pour faire face aux risques liés à son activité » décrypte Marcellin Jehl, chargé de plaidoyer chez les Amis de la Terre.
Et pour cause, deux incidents sont survenus en lien avec l’exploitation du site. En 2013, un accident de camion a déversé des hydrocarbures sur la voie publique. Neuf ans après, en 2022, la rupture d’un joint de canalisation a provoqué une fuite de pétrole.
« Les incidents ont été très mal traités, avec un défaut d’informations des autorités et du public par Bridge Energies, ce qui laisse penser qu’étendre les infrastructures peut être dangereux » s’inquiète Marcellin Jehl.
« Incompatibilité avec les accords de Paris »
Le sixième rapport du GIEC est pourtant clair, « les émissions prévues de CO2 provenant des infrastructures de combustions fossiles déjà existantes dépassent déjà le budget carbone restant pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C ». Des mesures d’atténuation des exploitations doivent être mises en place pour « réduire de moitié » les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 selon le groupe d’experts scientifiques.
La loi hydrocarbures, ou loi « Hulot », qui date de 2017, interdit tous nouveaux projets d’énergies fossiles, mais ne prohibe pas l’expansion des sites existants. Leur exploitation devra se terminer en 2040 maximum, date à laquelle aucune ressource fossile ne pourra être extraite du sol français. La fin programmée de l’exploitation de Nonville est, elle, prévue en 2027.
« L’autorisation de nouveaux forages pétroliers est une ligne rouge que nous ne pouvons franchir, une réelle aberration face à l’urgence climatique » souligne Juliette Renaud, coordinatrice des Amis de la Terre France, pour La Relève et La Peste.
Malgré le constat du GIEC et de la communauté scientifique, la France continue à autoriser l’extension d’exploitations.
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