Maison d’édition et média indépendants, sans actionnaire et sans pub, financés par la vente de nos livres

Protéger les espèces menacées seulement pour mieux les exploiter…

« On estime que le commerce international des espèces sauvages représente des milliards de dollars par an et qu'il porte sur des centaines de millions de spécimens de plantes et d'animaux. Ce commerce est varié, allant de plantes et d'animaux vivants à une large gamme de produits dérivés – produits alimentaires, articles en cuir exotique, instruments de musique en bois, souvenirs pour touristes, remèdes, et bien d'autres encore.»

Après 10 jours d’âpres négociations, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) vient de se clôturer. Tous les deux à trois ans, les 183 pays membres de ce sommet international décident de vie et de mort sur plus de 35 000 espèces de flore et de faune sauvage.

Les espèces sauvages, « ces ressources à (ne pas trop) exploiter »

Créé en 1973 à Washington, la CITES a pour objectif de réguler le commerce international des spécimens d’animaux et de plantes sauvages pour certains déjà menacés d’extinction. Si, lors de sa création, la CITES pouvait paraître avant-gardiste, elle représente aujourd’hui l’un des plus grands écueils de la protection du vivant : celui de continuer à considérer les espèces animales et végétales comme des ressources mises à disposition sur Terre au profit de l’Homme, au lieu d’entités vivantes indispensables au bon fonctionnement de la biodiversité

« On estime que le commerce international des espèces sauvages représente des milliards de dollars par an et qu’il porte sur des centaines de millions de spécimens de plantes et d’animaux. Ce commerce est varié, allant de plantes et d’animaux vivants à une large gamme de produits dérivés – produits alimentaires, articles en cuir exotique, instruments de musique en bois, souvenirs pour touristes, remèdes, et bien d’autres encore. L’exploitation et le commerce intensifs de certaines espèces, auxquels s’ajoutent d’autres facteurs tels que la disparition des habitats, peuvent épuiser les populations et même conduire certaines espèces au bord de l’extinction. De nombreuses espèces sauvages faisant l’objet d’un commerce ne sont pas en danger d’extinction mais l’existence d’un accord garantissant un commerce durable est importante pour préserver ces ressources pour l’avenir. » précise la CITES sur son site Internet

Concrètement, la CITES consiste en un accord international dans lequel les pays membres définissent et s’engagent à respecter le quota autorisé pour chasser, tuer, transformer, importer ou exporter les espèces listées dans trois annexes différentes :

  • L’Annexe I recense les espèces menacées d’extinction dont le commerce n’est autorisé que dans des conditions exceptionnelles.
  • L’Annexe II regroupe les espèces pas forcément menacées d’extinction dont le commerce doit être réglementé pour éviter une exploitation incompatible avec leur survie.
  • L’Annexe III comprend les espèces protégées dans un pays qui a demandé aux autres parties à la CITES leur assistance pour en contrôler le commerce.

Des résultats mitigés

Car c’est là que le bât blesse. La plupart des pays ne disposent généralement pas des moyens suffisants pour s’assurer que les engagements pris soient bien respectés sur leurs territoires. Encore plus préoccupant, il faut en moyenne dix ans pour qu’une plante ou un animal menacé d’extinction soit inscrit à l’annexe I ou II, et donc « légalement protégé ».

Crédit photo : Kelly Arnold

Exemple cette année avec la girafe qui vient d’être enregistrée dans l’Annexe II. Pour la première fois, la CITES a reconnu que le commerce de peau, de cornes, de sabots et d’os de girafes constituait une menace pour la survie du plus haut mammifère terrestre. Aujourd’hui, il reste moins de 100 000 girafes d’Afrique, dont la population a décliné d’environ 40 % en trente ans. Il aura donc fallu 30 ans avant que cette espèce soit « un peu » protégée.

Alors que nous traversons la sixième extinction de masse et qu’un million d’espèces sont aujourd’hui menacées d’extinction, la CITES a considéré que le sommet 2019 a été à la hauteur des enjeux grâce à l’adoption « d’une impressionnante liste de décisions en faveur de la conservation et de l’exploitation durable de la vie sauvage autour du globe ». Les requins, les raies, les concombres de mer, les reptiles, les loutres et certains arbres ont ainsi été ajouté à l’Annexe II.

De nombreuses associations se sont également réjouies du sort des éléphants sauvages dont la capture et la vente à des zoos ou parcs de loisirs est dorénavant « quasiment interdite ».

La CITES dispose bien d’une force de dissuasion pour les pays dissidents. En menaçant d’exclure le Japon de son cercle, elle a ainsi réussi fin 2018 à le persuader d’arrêter la chasse au rorqual boréal, baleine dont il reste à peine 50 000 individus dans les océans. Cette année, elle a décidé de mettre le Mexique face à ses responsabilités concernant la protection du vaquita, le plus petit marsouin du monde, au bord de l’extinction. La CITES a donné un an au Mexique pour agir, un délai qui paraît bien long pour sauver la dizaine de vaquitas encore en vie.

Lorsque l’on observe le graphe du nombre de « transactions enregistrées » sur la page d’accueil de la CITES, le nombre d’individus commercialisés n’a fait que grimper au fil des ans. Au regard de ces résultats mitigés, la possibilité même de perpétuer le commerce international d’espèces menacées pose donc une question éthique vitale face à l’effondrement du vivant. 

Laurie Debove

Faire un don
"Le plus souvent, les gens renoncent à leur pouvoir car ils pensent qu'il n'en ont pas"

Votre soutien compte plus que tout

Les lobbies attaquent, La Relève et La Peste contre-attaque

🚨 ALERTE : Menaces judiciaires, censure des réseaux sociaux, agressions informatiques… Les lobbies sont de plus en plus puissants pour nous censurer. C’est pourquoi nous lançons une campagne de récolte de fonds pour soutenir une information libre, sans pub et sans actionnaire.

Pour contrer la puissance des lobbies, soutenez notre campagne ✊

Articles sur le même thème

Revenir au thème

Pour vous informer librement, faites partie de nos 80 000 abonnés.
Deux emails par semaine.

Conçu pour vous éveiller et vous donner les clés pour agir au quotidien.

Les informations recueillies sont confidentielles et conservées en toute sécurité. Désabonnez-vous rapidement.

^