« Considérer l’abeille domestique, actuellement utilisée comme une espèce sauvage, se résume à comparer une meute de chiens errants à une meute de loups », déclare Guillaume Lemoine dans une étude sur l’abeille domestique. Devant la diminution très inquiétante des populations de pollinisateurs, les agriculteurs ont recours à des cheptels d’abeilles domestiques gérés par des entreprises apicoles. Mais malgré les apparences, ce développement du marché des abeilles fait plus de mal que de bien…
Des abeilles menacées de tous côtés
Comme si la raréfaction de leur nourriture, la menace des frelons asiatiques qui progresse depuis 2004 sur le territoire français, le fléau que constituent les néonicotinoïdes ne suffisaient pas, c’est d’elles-mêmes que les abeilles doivent désormais être protégées !

Selon l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF), 300 000 colonies d’abeilles disparaissent tous les ans depuis 1995. Pour pallier cette diminution de population, les apiculteurs utilisent des abeilles domestiques, les Apis mellifera, qui sont sélectionnées scientifiquement afin de produire les meilleurs rendements possibles. Ils louent ainsi des ruches aux agriculteurs afin d’assurer la pollinisation de leurs cultures. Mais les apiculteurs français craignent que ce modèle ne dérive vers le système américain.
L’industrie apicole américaine
Un article de la BBC donne un exemple de ce système avec la pollinisation industrielle dans les champs d’amandiers de Californie. Les propriétaires des ruches sont payés 200$ par ruche et sachant que les plus gros propriétaires possèdent plus de 80 000 ruches, on peut imaginer l’attractivité que représente ce marché pour des individus aux dents longues… Les entreprises apicoles américaines déplacent leurs ruches d’un endroit à un autre, parcourant parfois des centaines de kilomètres, ce qui provoque la mort de milliers d’abeilles de la colonie. Cela va parfois même jusqu’au syndrome d’effondrement de la colonie (CDD) : les abeilles disparaissent complètement de la ruche.
Cette pratique industrielle de l’apiculture s’accompagne de points très controversés comme par exemple le fait de tuer la reine au bout d’un an et de la remplacer par une plus jeune et plus productive. Le fait de déplacer des grandes populations d’abeilles favorise également la propagation de maladies et de parasites.
L’abeille domestique, solution trop fragile pour être vraie
Les abeilles sont de plus sélectionnées scientifiquement afin de raccourcir leur temps d’hibernation et d’augmenter ainsi leur productivité. Elles sont fréquemment accouplées avec des bourdons mais sont par conséquent plus fragiles et résistent moins bien aux chutes de température. Ce qui pose un réel problème est qu’elles se reproduisent avec les espèces endémiques régionales et ainsi participent à leur fragilisation et à l’augmentation de leur mortalité !
Car on importe ces abeilles en Europe depuis les pays qui se consacrent à leur élevage : le Chili, l’Argentine, l’Australie, la Nouvelle-Zélande. Elles prennent donc une place importante dans les colonies régionales, leurs fragilités également.
Il devient plus qu’urgent de stopper ces importations et de mettre en œuvre une protection plus efficace des populations d’abeilles sauvages afin que celles-ci ne soient pas complètement évincées par des espèces plus fragiles, qualifiées à juste titre de véritables « esclaves de la pollinisation ».