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Primaire Populaire : « On veut permettre aux citoyens d’avoir la main sur les Présidentielles »

"Il y a un imaginaire macroniste néo-libéral qui joue sur la soif de réussite, il y a un imaginaire qui mise sur la peur de l’autre avec l’extrême-droite, à nous de construire un nouvel imaginaire."

Pour éviter un duel Le Pen – Macron, au second tour des Présidentielles, que certains médias s’acharnent à faire apparaître, un regroupement d’associations et membres de la société civile se sont réunis pour écrire et imposer une Primaire populaire. Pour ses créateurs, « Nous vivons un moment de bascule et, pour l’écologie et la solidarité, la décennie qui vient sera décisive. » Ils ont donc formulé dix propositions qui devront être soutenues par une candidature de rassemblement afin de porter un projet écologique démocratique et social en 2022. Entretien avec la co-présidente de la Primaire Populaire, Mathilde Imer.

LR&LP : Qui a lancé cette primaire et pourquoi ?

Mathilde Imer : A la rencontre des Justices, qui regroupe des militants et entrepreneurs actifs sur les luttes sociales et écologiques, on s’est dits que les partis étaient trop faibles pour réussir à porter nos valeurs et réussir, seuls, à gagner en 2022.

C’est l’œuvre d’un gros rassemblement de plein d’initiatives citoyennes : l’Archipel des Jours Heureux, des acteurs qui viennent de la primaire.org, ou encore YouthforClimate et beaucoup d’autres. Tout ce monde a décidé de se réunir au sein du conseil d’orientation de l’association 2022 ou Jamais.

Pour le moment, nous sommes la seule Primaire Populaire et on essaie de regrouper toutes les initiatives pour faire les choses sérieusement : avec des moyens humains qui puissent être salariés et avoir une plateforme sécurisée à travers laquelle le vote se fera.

LR&LP : Concrètement, comment ça se passe ?

Il y a trois étapes à cette initiative démocratique. Tout d’abord, un socle commun a été rédigé. Nous souhaitions partir des idées mais pas des gens, pour éviter le bal des égos qui ressurgissent toujours dans les temps forts politiques.

Nous avons scanné toutes les propositions de la société civile, des écolos et des gilets jaunes pour retenir 10 propositions qu’on a mis sous les yeux des différents partis politiques.

On ne demande pas aux partis politiques d’endosser ce socle commun, mais de s’assurer que cela soit compatible avec leur ligne politique, afin que ces propositions puissent servir de base de débat pour la Primaire Présidentielles. Nous avons donc dû éviter les sujets fâcheux comme l’Europe.

La deuxième étape consiste en des parrainages citoyens qui ont commencé ce dimanche. C’est la possibilité pour les citoyens de parrainer, sur la base du socle commun, des candidats qui sont d’ores et déjà candidats déclarés ou fortement pressentis à la Présidentielles ou d’en proposer d’autres, issus ou non du monde politique ou de la société civile. Cette étape se clôture le 11 octobre, où l’on révélera ensuite le nom des 5 premiers hommes et 5 premières femmes ayant reçu le plus de parrainages.

Enfin, on proposera à ces profils de participer au vote final du 18 au 21 novembre 2021. Leur candidature sera soumise au jugement majoritaire : celui qui aura la meilleure mention médiane gagne. Cette méthode de vote permet de prendre en compte le vote blanc, mais aussi de pouvoir soutenir différents candidats selon les degrés d’affinité que l’on a pour eux.

Il y a un seul tour pour éviter les clashs politiques, les jeux d’alliance et de trahison, les votes stratégiques et la guerre des égos.

LR&LP : En 2017, il y a eu un gros mouvement citoyen avec différentes primaires populaires lancées et qui n’ont pas abouties. Qu’est-ce qui change cette année ?

On a beaucoup analysé la primaire.org qui n’a pas pris et n’a pas été perçue comme crédible car elle s’est totalement coupée des acteurs politiques traditionnels. On veut permettre aux citoyens d’avoir la main, en proposant des noms de candidats à la présidentielle lors de la phase parrainage.

Ces éléments-là nous semblent être des moyens de rabibocher les gens de la politique en proposant de faire autrement, avec plus de place et de pouvoir aux citoyens.

On a appris des Primaires précédentes, tout le processus a été pensé pour prendre le meilleur et enlever le pire des expériences passées. Nous nous trouvons à un moment politique très « gazeux » : personne ne sait ce qu’il va se passer. Les partis politiques sont beaucoup plus faibles qu’avant et il y a peu d’hégémonie d’un parti sur les autres, la Primaire Populaire devient donc une option crédible.

C’est pourquoi énormément d’économistes, de militants d’entrepreneurs, d’artistes et d’intellectuels nous soutiennent, et même d’anciens politiques. Nous voulons créer une pression populaire et intellectuelle sur les partis politiques classiques.

LR&LP : Que pensez-vous du nombre de candidats actuels dans les partis politiques traditionnels, et notamment chez EELV ?

C’est une bonne chose que plusieurs candidats portent la question écologique. Après, nous nous positionnons comme un réceptacle du ou de la candidate qui gagnera la Primaire écolo, et de ceux issus d’autres partis, comme le PS, PCF, LFI.

Certains acteurs politiques nous soutiennent et d’autres pas : Jean-Luc Mélenchon est farouchement opposé à la Primaire Populaire.  Sandrine Rousseau a déjà dit qu’elle y participerait si elle gagnait la Primaire EELV. Il y a une grande bienveillance pour notre démarche de la part d’Éric Piolle et Yannick Jadot sans position officielle, pareil pour Arnaud Montebourg.

Anne Hidalgo a fermé la porte à une primaire interne au PS ou à une primaire élargie avec EELV, mais elle nous a dit qu’ « une primaire à l’américaine est quelque chose qui se réfléchit » : on vise au moins deux millions de citoyens votants en novembre.

LR&LP : Qu’est-ce qui vous différencie des autres initiatives populaires face aux Présidentielles ? Avez-vous l’espoir de faire bouger les lignes ou s’agit-il surtout de porter vos propositions dans le débat ?

Une des marques de différenciation de ce qu’on appelle le bloc des justices, c’est la question écologique, qui en est le premier axe, puis les axes social et démocratique. On revendique ces trois priorités.

Évidemment, comme il s’agit d’un socle commun et pas d’un programme politique, beaucoup de choses manquent. C’est pourquoi certains candidats seront plus ambitieux en écologie que ce qu’il y a dans le socle.

Concernant les enjeux sociaux selon la Primaire, on pense que la manière de répondre à la crise sociale actuelle est d’avoir une initiative qui part des gens. La deuxième réponse, c’est qu’au-delà d’un socle commun avec des candidats, il faut projeter les gens dans un monde qui donne envie.

Il y a un imaginaire macroniste néo-libéral qui joue sur la soif de réussite, il y a un imaginaire qui mise sur la peur de l’autre avec l’extrême-droite, à nous de construire un nouvel imaginaire.

Au niveau démocratique, le système politique français actuel comprend de nombreux écueils. Le vote blanc n’est toujours pas pris en compte, le RIC n’a pas été lancé alors que c’était devenu la revendication première des GJ où la personne qui gagne s’engage à faire des changements dans la manière de faire la politique et de prendre des décisions en commun.  

La Primaire Populaire veut mettre vraiment place ce besoin d’expression démocratique dont nous avons été de plus en plus privés ces derniers temps.

LR&LP : Vous avez été l’une des initiatrices de la Convention Citoyenne pour le Climat, quels enseignements en avez-vous tiré et pourquoi croyez-vous en cette nouvelle initiative ?

A titre personnel, j’étais un pilote du design de la CCC. Comme beaucoup de militants écolo, j’ai marché pour le climat, fait des actions de désobéissance civile, signé le recours de l’Affaire Du Siècle et la Convention Citoyenne pour le Climat était une façon de faire un pas vers le politique, pour prendre en compte la complexité et laisser les citoyens décider où il convient de mettre le curseur entre ambition climatique et justice sociale. Cette initiative a été complètement sabotée par le gouvernement.

Donc à un moment, les citoyens doivent prendre le pouvoir. Si à chaque fois la porte que la société civile se prend en pleine face vient des politiques, on doit prendre le pouvoir. On va prendre nos responsabilités, sans être contre ou anti-partis, pour faire bouger la manière dont on fait de la politique aujourd’hui.

« Participons collectivement à un processus citoyen qui permette de faire gagner en 2022 un projet écolo, juste socialement et de nouveaux outils démocratiques qui ne soient pas juste des beaux mots proférés au JT de 20h. Réinventons notre démocratie, quand on regarde les taux d’abstention grandissant, on en comprend le besoin. » conclut Mathilde Imer

La liste de leurs dix propositions :

  • Une grande loi de transition alimentaire vers une agriculture paysanne et écologique
  • Une vraie loi climat pour reconvertir notre économie et accompagner nos entreprises dans la transition
  • Permettre à chacun et chacune de couvrir ses besoins essentiels 
  • Un emploi et un salaire juste pour toutes et tous
  • Investir massivement dans le social, prioritairement dans la santé et l’éducation
  • Redonner le pouvoir aux travailleurs et travailleuses 
  • Un big bang pour une fiscalité plus juste et écologique 
  • Restaurer la confiance dans notre démocratie par des mesures d’urgence
  • Vers une 6eme République écologique et la fin de la monarchie présidentielle
  • La reconquête et l’élargissement de nos libertés

Laurie Debove

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"Le plus souvent, les gens renoncent à leur pouvoir car ils pensent qu'il n'en ont pas"

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