Au Taillan-Médoc, près de Bordeaux, une déviation routière menace de détruire une zone naturelle abritant une centaine d’espèces protégées et de polluer la nappe souterraine qui alimente en eau la métropole bordelaise. Alors que le gros œuvre doit bientôt démarrer, une mobilisation locale prend de l’ampleur pour proposer des alternatives plus pérennes.
La destruction d’une zone humide abritant 100 espèces protégées
La loutre d’Europe, l’azuré de la Sanguisorbe (le papillon en couverture), le chardonneret élégant, la couleuvre verte et jaune, la rainette ibérique et bien d’autres vont-ils être massacrés pour faire place aux voitures, camions et à une industrialisation effrénée ? Tous ces animaux font partie de la centaine d’espèces protégées qui peuplent la zone naturelle, comprenant une forêt et plusieurs zones humides, où le département de Gironde veut construire sur 8km une déviation routière.
Crédit : Déviation du Taillan-Médoc, explication par Pierre Rigaux, Naturaliste
Ce projet, vieux de 37 ans, a récemment eu un coup d’accélération avec l’aval du Conseil National de la Protection de la Nature qui, après avoir rendu trois avis négatifs, a finalement donné son feu vert en estimant que les mesures compensatoires présentées dans le dossier sont suffisantes. Pourtant, de nombreux manquements à ces compensations ont déjà été relevés et les chercheurs du Muséum National d’Histoire Naturelle et d’AgroParisTech sont formels :
« Dans 80% des cas, ces mesures ne compensent pas les destructions des milieux naturels. »
En effet, les zones humides ont un rôle primordial pour limiter les inondations en filtrant et épurant les eaux de pluies, et sont un habitat irremplaçable pour de nombreuses espèces animales et végétales.
Déplacer le problème au lieu de le résoudre
A la base du projet, vieux de 37 ans, la volonté de dégager le centre-ville de Taillan-Médoc, dont la population est littéralement empoisonnée par le passage quotidien de 1000 camions. Contre l’hégémonie du transport routier, les opposants à la déviation proposent dans une pétition de nombreuses alternatives plus pérennes et écologiques.
« Il y a plusieurs solutions à mettre en œuvre pour aider les habitants de Taillan-Médoc. D’autres variantes avaient été envisagées mais ont été écartées sans arguments valables, notamment la variante n°1 qui aurait permis de faire dévier les camions au Sud de Castelnau, ou encore mieux restaurer la ligne de fret ferroviaire qui est peu utilisée mais déjà existante ! » explique Camille (un pseudonyme) au téléphone pour La Relève et La Peste
En contribuant à augmenter le nombre de camions de 1000 à 1500, cette déviation va seulement déplacer le problème sans le résoudre. Pire, les experts géologues qui ont étudié le dossier ont lancé l’alerte sur la pollution des eaux souterraines dont l’un des points de captage est située sous le tracé sud de la déviation. Aucun débat publique n’a eu lieu autour de cette problématique.

Une course contre la montre pour préserver le Parc naturel du Médoc
Tout aussi préoccupant, la déviation engendre déjà une urbanisation de toute la zone, située dans le parc naturel du Médoc, comme le prouve l’entrepôt logistique en construction. La course contre la montre est maintenant lancée pour les associations et les habitants qui luttent contre le projet. Et la bataille fait rage, avec une volonté politique d’écraser la contestation : certaines associations environnementales ont ainsi dû se retirer du dossier car elles ont reçu des menaces de suppression de leurs subventions si elles s’y opposaient !
« C’est incroyable ce projet de déviation, plus on creuse le dossier et plus on découvre des choses scandaleuses et écœurantes. On ne peut pas laisser ce projet d’un autre âge saccager le vivant et mettre en danger la population. » explique Caroline de Natur’Jalles à La Relève et La Peste
FNE Nouvelle-Aquitaine et Natur’Jalles ont ainsi lancé deux recours judiciaires à un jour d’intervalle : un référé de suspension qui permettrait l’arrêt immédiat des travaux dont l’audience aura lieu le 12 février, et un recours juridique dont le jugement peut mettre plusieurs années à être rendu. L’objectif : empêcher le début des travaux de terrassement, aux conséquences irréversibles, qui doivent commencer en juin.
Dimanche 2 février, une première action citoyenne va avoir lieu sur le site pour faire connaître au plus grand nombre les alternatives existantes à la déviation, et découvrir les nombreuses espèces de la zone naturelle. Tout le monde y est invité pour imaginer une société sans camions.