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Première décision ouvertement anti-pesticides pour l’Union Européenne

Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’environnement. Ce mercredi 14 juin, le Parlement européen a mis fin par un vote en séance plénière à un bras de fer engagé depuis mai entre les défenseurs de l’environnement et les partisans de l’agriculture intensive. Le jour est à marquer d’une pierre blanche pour l’écologie : […]

Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’environnement. Ce mercredi 14 juin, le Parlement européen a mis fin par un vote en séance plénière à un bras de fer engagé depuis mai entre les défenseurs de l’environnement et les partisans de l’agriculture intensive. Le jour est à marquer d’une pierre blanche pour l’écologie : dorénavant, chaque agriculteur européen prétendant recevoir les subventions européennes à l’agriculture (PAC) devra s’abstenir de répandre des pesticides sur 5% de ses terres arables.

Les « zones vertes » au cœur du débat

Reprenons le cheminement de la législation : en 2013, dans le cadre de la réforme de la PAC, l’Union Européenne avait décidé d’imposer la création de « surfaces d’intérêt écologique » (SIE) dans toute exploitation agricole de plus de 15 hectares qui souhaite recevoir des subventions européennes. Ces zones vertes, dont l’objectif est de préserver une certaine diversité de faune et de flore sur des parcelles de monoculture, sont à géométrie variable : haies, bandes de terre en jachère ou encore bois. Ces zones conditionnent le versement d’un « paiement vert » de la PAC, qui représente pour la France presque 30% des aides versées normalement.

Il existait pourtant un défaut majeur au texte : les cultures de légumineuses (soja, pois, haricots), réputées pour être fixatrices de l’azote de l’air, pouvaient être inclues dans le calcul des SIE ; par conséquent, l’usage des pesticides n’était pas réglementé sur les SIE pour laisser la place à la culture des légumineuses. Pourtant, comme l’indique Carmen Etcheverry, chargée de mission à France Nature Environnement, « les surfaces d’intérêt écologique ont été conçues pour offrir des refuges à toutes ces espèces qui aident les agriculteurs » ; une mission gravement mise en danger par l’usage de pesticides (luttant par définition contre la diversité).

Pour remédier à cette situation loufoque, la Commission européenne avait proposé en février une simplification du « paiement vert » qui incluait notamment l’interdiction des pesticides sur les SIE. La commission agricole du Parlement européen avait immédiatement réagi avec une résolution d’opposition, invoquant le rôle crucial des cultures de légumineuses en Europe, dans un contexte de dépendance aux importations : « l’interdiction de la protection phytosanitaire des cultures de légumineuses dans les SIE menace la durabilité de la production nationale de protéines (…) alors que l’Europe dépend déjà dans une grande mesure des importations de protéines ».

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Le vert l’emporte

Soumise à un vote, la résolution d’opposition n’a heureusement pas abouti à 13 voix près. Reconnaissant l’importance du sujet des légumineuses dans la stratégie agricole européenne, les défenseurs des SIE ont insisté sur la nécessité de ne pas se tromper de sujet : interdire l’utilisation de pesticides sur 5% des terres, qui ne sont pas forcément plantées de légumineuses, ne met pas en danger leur production, aussi insuffisante soit-elle. « Il est urgent de mettre en place une vraie stratégie européenne d’indépendance végétale afin de réduire nos importations de soja destiné à l’alimentation animale », a pourtant concédé l’Alliance progressiste du Parlement européen ; la question sera prochainement examinée dans un rapport de l’eurodéputé français Jean-Paul Denanot.

L’issue heureuse du vote a été saluée par les militants écologistes : « c’est la première fois que l’Union européenne vote un dispositif contraignant pour évoluer vers une agriculture sans pesticides », s’est félicité Pascal Canfin, le directeur général du WWF France. Du côté de Greenpeace, l’accent est mis sur le chemin qu’il reste à parcourir avant d’atteindre une agriculture écologiquement rationnelle. Une chose est sûre, avec 38% du budget européen (278 milliards d’euros sur la période 2014-2020), la PAC est un vecteur efficace de changement.

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Refonder l’agriculture

Dans un secteur aujourd’hui en crise (économique, humaine et environnementale), beaucoup de spécialistes plaident pour une refondation plus rationnelle et respectueuse (des agriculteurs, des terres et de leurs habitants). Tandis que des techniques alternatives d’exploitation de la terre, souvent radicales dans leur contraste avec le modèle actuel – c’est le cas de l’agroécologie, promue par Pierre Rabhi, ou de la permaculture – se développent sous forme d’expérimentations à échelle réduite, quelques gros acteurs de la filière accompagnent déjà le mouvement. Dans un rapport intitulé « Agroécologie : la performance est l’affaire de tous », le cabinet de conseil Deloitte Développement recense cinq initiatives à grande échelle d’agriculture raisonnée : il s’agit du programme « Filières durables 2025 » du groupe les Mousquetaires, de la stratégie agricole de McDonald’s France, du programme Harmony de Mondelez-Lu sur la filière blé, de la « nouvelle agriculture » de Terrena, et enfin de l’adoption massive du label Haute valeur environnementale (HVE) par les Vignerons indépendants de France.

Toutes ces initiatives, parfois menées par des grands groupes à des fins probables de communication, sont à examiner en détail pour en tirer la réelle efficacité ; mais leur existence, ainsi que la décision historique du Parlement citée plus haut, montrent l’engouement croissant du public et, par conséquent, des producteurs et des institutions, pour les alternatives à un modèle agricole à bout de souffle. Cet engouement doit encore être incarné par des recherches pour réduire l’impact écologique de l’agriculture (à rendements égaux), la création de débouchés pour les produits « issus de la diversification », et la sensibilisation du public aux nouveaux modes de production qui remettent l’agriculteur et la nature au centre du processus (via, par exemple, le label HVE). Mais le premier pas est fait.

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Antoine Puig

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