Lundi, Antonio Guterres, Chef de l’ONU, a déclaré qu’il ne nous reste plus que deux ans pour agir contre le changement climatique. Face à l’urgence, un rapport de l’ONU appelle toutes les nations du monde à changer de modèle économique avant qu’il ne soit trop tard.
« Une nouvelle pensée économique pour les années difficiles à venir »
Alors que la surexploitation des ressources est l’une des plus grandes menaces qui pèsent sur notre environnement, il apparaît de plus en plus clairement que le modèle économique ultralibéral dominant est un danger pour la pérennité de l’espèce humaine. C’est en tout cas l’avis des chercheurs et économistes1 qui ont travaillé pour le « rapport pour un développement durable sur Terre » : le Global Sustainable Development Report 2019.
« En plus du changement climatique, de la perte de la biodiversité, et d’autres risques environnementaux, les sociétés sont en train d’assister à une hausse des inégalités et du chômage, à un ralentissement de la croissance économique, à l’augmentation des dettes, et de gouvernements sans aucun outil efficace pour adapter leurs économies à ces changements. » Chapitre pour la gouvernance de la transition économique

L’ère d’énergie et de ressources abondantes que nous avons connu touche à sa fin. Dans le rapport, les chercheurs pointent du doigt l’incompatibilité des théories et modèles économiques développés durant cette période avec les défis que l’humanité doit affronter. Bien qu’ils reconnaissent un certain progrès au niveau théorique, ils reprochent aux modèles économiques dominants dans les pays riches de ne pas prendre en compte les dimensions énergétiques et matérielles de l’économie. Pour cette raison, ils exhortent le monde entier à changer de modèle et mettre en place un programme économique qui serait « similaire à un Plan Marshall mondial ».
Les taxes carbone ne suffiront pas, tout le système doit être repensé
Mesure phare promue par de nombreux économistes, la taxe carbone est loin d’être suffisante selon les auteurs du rapport qui l’accusent de manquer d’un élément crucial : la coordination des acteurs économiques vers un but commun. En effet, la taxe carbone ne permet pas de réguler la concurrence des marchés qui se fait en fonction d’intérêts privés, et pas en fonction de l’intérêt général.
Dans un modèle économique adapté au défi de l’humanité, les Etats tiendraient donc un rôle fort dans la régulation des marchés, tout en reprenant la main sur la création monétaire. De la même façon, les institutions internationales clés comme le FMI devraient revoir toute leur stratégie et leurs objectifs, aujourd’hui axés sur la privatisation et « l’industrialisation par l’export », pour suivre une nouvelle politique en accord avec un monde soutenable.
« Globalement, l’objectif serait d’instaurer un modèle économique Keynésien (basé sur la demande) qui respecte les limites planétaires : des économies et des sociétés uniques et autonomes engagées dans un commerce international régulé pour des raisons spécifiques, comme la sécurité alimentaire, plutôt que pour favoriser le libre-échange. Les individus, les organisations et les nations considéreraient l’économie comme un outil permettant une vie décente, plutôt que comme une fin en soi. L’activité économique prendra tout son sens, non pas en réalisant une croissance économique, mais en reconstruisant les infrastructures et les pratiques vers un monde post-énergie fossile ayant un poids moins lourd sur les écosystèmes naturels. »

Concrètement, un modèle économique ne cherchant pas la croissance engendre un pouvoir d’achat moins important pour les habitants des pays riches, et donc un mode de vie plus sobre. Le rapport préconise que les travailleurs du monde entier aient accès des métiers utiles, proposés par les gouvernements, allant dans le sens de la construction d’une nouvelle société résiliente.
Dans le rapport, les gouvernements des pays du Sud, n’ayant pas besoin de démanteler des infrastructures dépendant des énergies fossiles pour commencer leur transition, devraient avoir un poids égal aux pays du Nord pour établir un comité international de surveillance du bon déroulement de ce projet de société.
Sobriété, résilience, régulation des marchés, autonomie alimentaire, programmes d’investissements publics, échanges de bonnes pratiques entre les pays… Ce modèle économique, qui ne serait plus basé sur la concurrence à outrance, pourrait-il atténuer les tensions internationales en créant un esprit solidaire entre les peuples ?
1. Paavo Järvensivu (1*,2*), Tero Toivanen (1,3*), Tere Vadén (1), Ville Lähde (1), Antti Majava (1), Jussi T. Eronen (1,4*)
*1 BIOS Research Unit, Helsinki, Finland
*2 Aalto University, Sustainability in Business Research, Helsinki, Finland
*3 Department of Political and Economic Studies, University of Helsinki, Finland
*4 Ecosystems and Environment Research Programme & Helsinki Institute of Sustainability Science (HELSUS), Faculty of Biological and Environmental Sciences, University of Helsinki, Finland