Coup dur pour l’indétrônable credo économique de l’Union européenne : en moins de 2 ans, le Portugal qui était en « déficit excessif » a brillamment réussi à remonter la pente en prenant l’exact contre-pied des mesures d’austérité et de flexibilisation du travail préconisées par la Commission européenne !

Il y a trois jours seulement, la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) publiait un état des lieux de l’économie mondiale, et insistait sur la nécessité de supplanter les politiques d’austérité à « une nouvelle donne mondiale », sur le modèle des relances keynésiennes. Avec le succès des politiques économiques menées au Portugal par la coalition de gauche, la CNUCED peut désormais rajouter une flèche à son arc.

En effet, alors qu’il y a un an, en juillet 2016, Lisbonne était pointée du doigt par la Commission européenne pour « déficit excessif » (4,4% au lieu des 2,5% imposés par l’institution) et risquait une lourde amende, elle affiche désormais un déficit de 2,1% seulement (contre 3,3% en France par exemple), un taux de chômage à 8,8% au deuxième trimestre de l’année 2017 (contre 16% en 2013 et 11,1% en 2016), un taux de croissance de 2,8% pour le premier semestre de 2017, et attire de nouveau les investisseurs étrangers.

Mais à quoi doivent-ils cette reprise ? Le fameux « miracle allemand » (voir l’article « L’enfer du miracle allemand » d’Olivier Cyran à ce propos) aurait-il finalement réussi à être exporté ? Rien n’en est. Loin des préconisations de Bruxelles et de la tendance générale des pays européens à appliquer aveuglement des politiques d’austérité, le gouvernement lusitanien a pris le parti d’appliquer des politiques anti-austérité et antinomiques.

Concrètement, le gouvernement socialiste au pouvoir, composé d’une alliance du Parti communiste, des écologistes et du « Bloco de esquerda » (gauche radicale), mené par le premier ministre António Costa a consciencieusement adopté les mesures opposées à celles du gouvernement (de droite) précédent, qui avait échoué à sortir la péninsule ibérique de la crise.

Ainsi, là où le précédent gouvernement avait gelé le salaire minimum et les pensions de retraites, le gouvernement socialiste les a systématiquement augmentés en 2016 et en 2017, faisant notamment passer le SMIC de 505€ à 557€. De même, là où le gouvernement de droite avait baissé le montant des aides sociales et augmenté les impôts, le nouveau gouvernement les a respectivement augmentées et baissés. Bref, vous avez compris le principe : il s’agit de refuser de couper dans les dépenses publiques au nom d’une prétendue relance par l’économie de budget, et à l’inverse de relancer l’économie par la demande.

Car en effet, lors de la campagne pour les législatives en 2015, le programme de coalition d’António Costa reprochait au gouvernement précédent de précariser la situation de la population pour des résultats en demi-teinte seulement :

« La politique d’austérité suivie ces dernières années a eu pour conséquence une augmentation sans précédent du chômage avec des effets sociaux dévastateurs sur les jeunes et les citoyens les moins qualifiés, ainsi que les familles et les milliers de Portugais au chômage. Elle a été aussi associée à une dévalorisation de la dignité du travail et des droits des travailleurs. »

De manière générale, le ministre de l’Economie, Manuel Caldeira Cabral, a privilégié le développement d’une industrie qualitativement compétitive, notamment dans le secteur du tourisme. En effet, cette année le Portugal a connu une hausse de 12% des visites touristiques, largement favorisée par la construction d’infrastructures destinées à une clientèle plus aisée.

Malgré le succès impressionnant du gouvernement socialiste portugais, qui donne raison aux détracteurs des politiques d’austérité, n’oublions pas que le Portugal est encore endetté à hauteur de 130,4% de son PIB, et que certains économistes craignent qu’il ne s’agisse que d’un éclaircissement éphémère, ne garantissant nullement une reprise économique durable et qui pourrait notamment nuire à la qualité des services publics.

A l’inverse, pour le ministre des Finances, Mario Centeno, il ne fait pas de doute que le modèle portugais est en passe de détrôner le modèle allemand et a même annoncé :

« Nous avons eu l’occasion unique d’en finir avec la théorie selon laquelle l’Europe est condamnée à un avenir fait uniquement d’austérité. Le modèle portugais est une recette exportable dans tout le continent. »

Espérons qu’il dise vrai !

Crédits photo couverture : José Goulão (Flickr)

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