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Pollution de l’air : le gouvernement risque 10 millions d’euros d’amende par semestre de retard

Tant que l’Etat ne se met pas en conformité avec ses engagements pour faire baisser les niveaux de pollution de l’air dans les territoires concernés, la facture risque d’être salée. Du jamais vu pour les requérants, évoquant « une astreinte exemplaire et sans équivalent qui sanctionnerait enfin l’inaction du gouvernement ».

L’Etat français ne respecte pas ses obligations en matière de lutte contre la pollution de l’air. C’est ce qui motive le rapporteur public à proposer au Conseil d’Etat une condamnation inédite du Gouvernement à la hauteur des enjeux : 10 millions d’euros par semestre de retard.

Un second recours

Trois ans après la condamnation du Gouvernement par le Conseil d’Etat (arrêt du 12 juillet 2017) à réviser ses plans relatifs à la qualité de l’air pour faire baisser la pollution atmosphérique, la plus haute juridiction administrative pourrait rendre ces prochaines semaines une nouvelle décision historique.

Une audience du rapporteur public a eu lieu vendredi 3 juillet devant le Conseil d’Etat, réuni en assemblée. Elle fait suite à un second recours – qu’on appelle « en exécution forcée » car il vise à faire respecter une décision déjà prononcée – déposé en octobre 2018 par les Amis de la Terre.

L’ONG n’est pas seule à mener ce combat : elle est accompagnée de 77 autres requérants, parmi lesquels des médecins et des associations de défense de l’environnement et de la santé nationales comme Greenpeace, France Nature Environnement, Notre Affaire à Tous, Respire et des associations locales.

Durant l’audience, le rapporteur a considéré que le Gouvernement n’avait toujours pas pris de mesures efficaces pour faire baisser les concentrations de polluants dangereux pour la santé en dessous des valeurs réglementaires : dioxyde d’azote (NO₂) sur les zones de Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg, Grenoble, Reims et Toulouse, et particules fines à Paris et Fort de France.

S’il a noté des mesures partielles depuis la condamnation de 2017, comme la loi Mobilités par exemple, elles sont insuffisantes pour que de vrais résultats soient au rendez-vous. Pour les associations et lanceurs d’alerte, il faut aller plus loin en prenant des mesures plus contraignantes comme la circulation différenciée ou interdite sauf aux riverains, mais surtout en agissant sur les secteurs les plus polluants comme l’agriculture ou l’industrie…

Crédit : Notre Affaire à Tous

Une astreinte record

Pour contraindre l’Etat à agir, le rapporteur public propose la condamnation du Gouvernement à exécuter la décision du Conseil d’Etat de 2017 sous astreinte financière de 10 millions d’euros par semestre de retard.

En clair, tant que l’Etat ne se met pas en conformité avec ses engagements pour faire baisser les niveaux de pollution de l’air dans les territoires concernés, la facture risque d’être salée. Du jamais vu pour les requérants, évoquant « une astreinte exemplaire et sans équivalent qui sanctionnerait enfin l’inaction du gouvernement ».

« Le montant de l’astreinte proposée par le rapporteur est inédit dans la jurisprudence, détaille leur avocat, Maître Louis Cofflard. Il se rapproche des amendes susceptibles d’être prononcées par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et montre l’intérêt qu’attache le Conseil d’État au respect de sa décision, à l’autorité de la justice face à celle du Gouvernement ainsi qu’aux enjeux majeurs liés à la qualité de l’air en France. » 

Un enjeu de santé publique

Le chiffre annoncé peut paraître très élevé. Il n’est pourtant rien comparé au coût exorbitant de la pollution de l’air estimé à près de 100 milliards d’euros par an par une Commission d’enquête sénatoriale.  

Maître Cofflard poursuit : « Le choix du Gouvernement de ne pas respecter sa condamnation, à l’heure où les alertes des scientifiques, personnels soignants et citoyens concernant les concentrations excessives de particules fines et de dioxyde d’azote, se répètent apparaît lourd de de conséquences. Est-il nécessaire de rappeler que la pollution de l’air est la troisième cause de mortalité en France, après l’alcool et le tabac, affectant en premier lieu les personnes les plus vulnérables ? »

Une étude de Santé Publique France pointait ainsi en 2016 les impacts sanitaires de la pollution de l’air. Un chiffre, à titre d’exemple, fait froid dans le dos : dans les zones urbaines de plus de 100 000 habitants les résultats montrent, en moyenne, une perte de 15 mois d’espérance de vie à 30 ans du fait des particules fines (PM2.5). Les zones rurales ne sont pas pour autant épargnées, puisqu’on y note une perte de 9 mois d’espérance de vie en moyenne.

« Personne n’a envie de savoir que l’air que sa famille respire est si pollué… détaille l’avocat des requérants. La pression de l’opinion publique est de plus en plus forte sur ces sujets, comme l’a montré aussi récemment la Convention Citoyenne pour le Climat. »

La pollution de l’air bien visible à Paris

Déjà une condamnation européenne

Le Conseil d’Etat n’est pas l’unique institution à dénoncer la politique de la France en matière de pollution de l’air. En octobre 2019, l’Etat français avait déjà été condamné par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) pour avoir dépassé « de manière systématique et persistante » la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote (NO₂) depuis le 1er janvier 2010.

Maître Cofflard conclue : « Il est temps pour l’Etat français de respecter le droit européen. Il ne suffit pas de dire « c’est super l’Europe » et de s’asseoir dessus dès qu’il s’agit de prendre des mesures contraignantes… Nous espérons que la décision du Conseil d’Etat confirmera que la justice peut freiner le Gouvernement quand il ne respecte pas la légalité, et prouvera que nous pouvons obtenir des résultats avant que la Commission Européenne ne réclame un nouveau procès. »

Si le juge du Conseil d’Etat suit l’avis du rapporteur, le Premier Ministre devra justifier auprès de la haute juridiction de l’ensemble des mesures prises pour exécuter la décision de juillet 2017. La décision devrait être rendue sous trois semaines.

Flora Clodic-Tanguy

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