Aujourd’hui, quand on achète une bouteille d’eau en plastique, quand on tape une recherche sur internet, quand on achète un vêtement… on plante un arbre ! La belle idée que des entreprises ont eue : plus on consomme plus on aide la nature ! Cette pirouette semble produire son effet sur les consciences qui ont besoin de se rassurer sans changer les habitudes.
L’argument de cette mode repose sur la compensation : plutôt que de revoir la base de leur activité polluante, nombre d’entreprises préfèrent continuer à polluer mais en “compensant”, s’octroyant ainsi une image verte.
Plusieurs études ont montré les effets pervers de cette démarche et son inefficacité : nous ne parviendront pas à planter suffisamment d’arbres pour compenser nos émissions de gaz à effets de serre principalement causés par l’extraction, la transformation, le transport et l’usage des énergies fossiles (nécessaires à la fabrication de ces produits que ces entreprises nous vendent). Pour que ces plantations compensent uniquement en terme de gaz à effets de serre, il faudrait que les plantations remplacent les écosystèmes naturels, un scénario catastrophe pour les équilibres du vivant. Ces arbres mettraient des millions d’année à devenir charbon, et lorsqu’ils seront brûlés ou décomposés, ils relâcheront du carbone dans l’atmostphère, créant ainsi l’effet inverse escompté.

Posons-nous les bonnes questions : quel type d’arbre plante-t-on ? Où ? Respecte-t-on la diversité ou bien est-ce une nouvelle monoculture ? Planter oui, mais quoi ? Les arbres ne sont pas les pièces d’une machine qu’on appelerait la forêt ou la nature. Ils ne sont pas interchangeables.
Planter dix arbres jeunes qui poussent rapidement ne compensera pas la perte d’un vieil arbre endémique, devenu refuge pour toute une variété d’animaux, et soutien pour d’autres arbres. Une forêt a des besoins particuliers et se construit par des espèces adaptées à son sol. En Europe, on ne compte plus les forêts “reboisées” par du sapin ou de l’eucalyptus, des arbres qui poussent rapidement et qui ont permis de gagner 10 % du couvert végétal par rapport à l’ère industrielle.
Une bonne nouvelle ? Si on regarde l’arbre qui cache la forêt, on constate que ces arbres sont toxiques pour beaucoup d’autres, qu’ils consomment beaucoup d’eau et assèchent les nappes phréatiques, et enfin absorbe moins bien le carbone que les espèces endémiques comme le chêne vert.

Tout le monde peut faire l’expérience de se rendre dans ces parties boisées : on ne s’étonnera pas de ne pas entendre d’oiseau ni de voir beaucoup de mammifères. Une plantation n’est pas une forêt. Ces zones vertes sont quasi mortes.
Si l’enjeu écologique s’invite maintenant aux tables des grands débats, notre prise de conscience exige de nous un bon sens et une honnêteté que beaucoup ne sont pas prêts à assumer. Le vert comme le bio sont déjà de gros labels commerciaux qui vont gagner des millions à ces entreprises destructrices du vivant que nous continuons de nourrir. À nous de voir derrière ces étiquettes, en sortant tout simplement voir comment fonctionne la nature, celle qui n’a besoin d’aucun label pour être défendue.