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Une plainte contre Sarkozy à la Cour pénale internationale « pour avoir déclenché la guerre en Libye »

Organisation fraîchement émoulue émanant de la société civile ouest-africaine, le Fispa (Front international des sociétés civiles panafricaines) a décidé que sa première action serait de déposer une plainte devant la CPI (Cour pénale internationale) contre l’ancien président Nicolas Sarkozy « pour avoir déclenché la guerre en Libye, ce qui a entraîné la mort du colonel Kadhafi ». […]

Organisation fraîchement émoulue émanant de la société civile ouest-africaine, le Fispa (Front international des sociétés civiles panafricaines) a décidé que sa première action serait de déposer une plainte devant la CPI (Cour pénale internationale) contre l’ancien président Nicolas Sarkozy « pour avoir déclenché la guerre en Libye, ce qui a entraîné la mort du colonel Kadhafi ».

Retour sur la guerre en Libye

Dans le sillage des printemps arabes éclatent en février 2011 des émeutes à Benghazi, suite à l’arrestation Fethi Tarbel, militant pour les droits de l’Homme. Des manifestations sont également organisées dans la ville d’El-Beida, suivies d’un « Jour de colère » dont la vocation est de protester contre l’ensemble du régime dictatorial de Mouammar Kadhafi. Ce soulèvement se solde par la mort de sept manifestants à Benghazi, dans une répression sévère, et l’extension de la révolte à d’autres villes importantes du pays.

Ce n’est qu’à la fin du mois de février, alors que l’ONU évoque déjà un millier de morts dans les affrontements qui déchirent le pays, que le Conseil de sécurité des Nations unies impose un embargo sur les ventes d’armes vers la Libye. Sont dénoncés « la répression en Libye contre des manifestants pacifiques » faite de « tueries de masse, d’arrestation arbitraire, de détention et torture des manifestants ».

Le régime de Kadhafi est condamné pour sa violence et ses crimes contre l’humanité, dont le New York Times a publié des clichés, retrouvés dans un poste de police de Zawiyah, montrant cadavres et scènes de torture, probablement du fait des forces de l’ordre. Amnesty International a également publié des témoignages des violences subies par la population civile.

Le 27 février est mis en place le Conseil national de la transition (CNT), se posant comme « seul représentant de la Libye », sous la présidence de l’ancien ministre de la Justice, Moustapha Abdeljalil. C’est la France qui est la première à en reconnaître la légitimité. Ce gouvernement d’opposition reste très flou mais pose la démocratie comme objectif avec le projet mis par écrit de remettre le pouvoir à une assemblée élue dans un délai de huit mois, et de rédiger une nouvelle Constitution.

Mi-mars, les premières frappes aériennes sont menées par la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, avec pour cible des troupes pro-Kadhafi qui approchaient Benghazi. Après l’échec du plan de sortie de crise présenté en avril par les médiateurs de l’Union africaine, la rébellion progresse et est soutenue par la Cour pénale internationale qui délivre des mandats d’arrêt pour crimes contre l’humanité, entre autres pour Mouammar Kadhafi. Fin août, le quartier général de Kadhafi à Tripoli tombe entre les mains des rebelles, et finalement, le 20 octobre, le colonel est tué à Syrte lors de frappes aériennes de l’OTAN.

La plainte du Fispa contre Nicolas Sarkozy

Elie Kamano, activiste guinéen, explique les raisons de cette plainte :

« L’assassinat de Kadhafi (…) a des conséquences dramatiques et néfastes sur le continent africain, et sur les populations africaines ».

Le Fispa a été créé à l’initiative d’une quinzaine d’associations pour défendre la dignité africaine, la démocratie et les droits de l’Homme, et a déposé sa plainte à La Haye le 7 octobre. Le chanteur Tiken Jah Fakoli déclare, à l’antenne de Rfi, que l’opinion de la Fispa sur « l’assassinat du colonel Kadhafi » est qu’il s’agit d’un « règlement de compte personnel » (y voir ici une allusion au financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy), et d’un événement qui « a déstabilisé tout un continent ».

Tiken Jah Fakoly

Un article de l’Observateur Paalga, un journal burkinabé, souligne que le renversement du régime est « comme un verrou qui a sauté au grand bonheur des groupes « djihadistes » comme AQMI et  le MUJAO qui tombèrent à bras raccourcis sur les pays du Sahel avec les armes pillées dans une Libye déchirée ». La mort de Kadhafi laisse un vide là où se trouvait auparavant une main de fer.

Selon ce même article, la plainte a peu de chances d’aboutir pour deux raisons principales. Si la Fispa ne présente pas de preuves de son accusation, et, même dans le cas où ces exactions seraient avérées, la CPI est peu qualifiée pour traiter un cas de meurtre d’un dirigeant politique et de déstabilisation d’un pays, à moins que ces chefs d’accusation ne soient commués en crimes contre l’humanité, crimes de guerre ou génocide.

De plus, les pays ayant intervenu l’ont fait sous mandat de l’ONU, ce qui fait qu’ils ne sont pas pénalement incriminables devant la CPI. Or, ce mandat de l’ONU concernait justement la protection des civils, il semblerait que la France et le Royaume-Uni notamment l’aient outrepassé en offrant clairement leur aide aux rebelles, contre le gouvernement de Kadhafi. Quoiqu’il en soit, même dans le cas où cette accusation serait caduque, elle a le mérite de dénoncer l’ingérence des pouvoirs occidentaux, et fait écho en particulier à un rapport du parlement britannique qui estime que l’intervention militaire en Libye a été « fondée sur des postulats erronés », que la coalition n’a pas « vérifié la menace réelle pour les civils ». Un rapport qui incrimine en particulier Nicolas Sarkozy, accusé d’avoir simplement voulu servir ses intérêts propres et ceux de son pays, sous couvert de motivations humanitaires.

La morale douteuse de l’intervention en Libye

Le rapport en question fait état de plusieurs motifs à l’intervention française en Libye : la volonté d’une mainmise sur une plus grande part de la production pétrolière, l’accroissement de l’influence française en Afrique du Nord, la revalorisation de l’image politique de Nicolas Sarkozy en France, et l’affermissement des positions militaires françaises.

Selon ce rapport, des solutions politiques auraient dû être plus sérieusement étudiées au lieu d’engager d’emblée une intervention militaire. La mort du colonel Kadhafi est ainsi symptomatique de la manière dont a été « réglé » le conflit : dans le sang. Son absence de procès rend très difficile la mise en lumière de ses crimes, et le règlement politique du conflit. C’est donc davantage le mode de règlement de la crise qui est vivement critiqué, et ses motivations, plutôt que l’intervention dans son essence. Le régime de Kadhafi était arbitraire, dictatorial et violent, mais il n’était pas souhaitable qu’il disparaisse dans ces conditions.

Pour en revenir à l’accusation du Fispa à l’encontre de Nicolas Sarkozy, le temps nous dira où elle mène mais on peut en retenir un élément essentiel : le refus de ces représentants des sociétés civiles africaines de laisser perdurer les diverses ingérences que subissent leurs pays, et leur volonté de parvenir de leur propre chef à une démocratie qui ne serait pas imposée de l’extérieur.

Crédits photo : Moritz Hager / World Economic Forum

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