Pia Klemp, capitaine de navire humanitaire, risque 20 ans de prison pour avoir sauvé des migrants en Méditerranée. Son procès a lieu en ce moment en Italie. La pétition de soutien réclamant sa libération a déjà recueilli plus de 100 000 signatures.
Capitaine de navire
La carrière maritime de cette jeune Allemande de 35 ans a commencé avec l’ONG Sea Shepherd.
« C’est pour préserver les écosystèmes marins que j’ai appris à diriger un navire, un équipage. » raconte-t-elle.
En 2015, elle décide de rejoindre la Méditerranée pour participer au sauvetage des réfugiés. En août 2017, les autorités italiennes s’emparent du Iuventa, navire de l’ONG allemande Jugend Rettet, dont Pia est capitaine. Le procureur de la municipalité italienne de Trapani reproche aux sauveteurs d’encourager l’immigration clandestine. Les ordinateurs et téléphones de l’équipage sont saisis. Pia découvre par la suite que le navire et ses passagers ont été mis sur écoute et surveillés pendant plusieurs années par les services secrets italiens.

Un procès politique
Aujourd’hui, la jeune femme est accusée d’avoir « collaboré » avec des passeurs libyens dans ses opérations de sauvetage, ce qui la rendrait « complice d’immigration illégale ». Elle nie fermement, dénonçant un « procès politique ».
« Nous avons uniquement obéi aux lois internationales, qui placent la nécessité de secourir des naufragés en détresse comme priorité absolue. » affirme-t-elle.
Ce procès est symptomatique de la politique italienne actuelle, qui s’évertue à criminaliser les sauvetages de migrants effectués par les associations humanitaires, en accusant celles-ci de complicité avec les passeurs de Libye.
Désengagement de l’UE
En 2019, l’Union européenne a annoncé qu’elle « n’observerait la mer que depuis les airs », marquant la fin de la mise à disposition des navires qui secouraient les embarcations clandestines entre la Libye et l’Italie. L’objectif :
« Démanteler le modèle économique des passeurs et des trafiquants d’êtres humains dans la partie sud de la Méditerranée centrale. ».
Ce sont donc les gardes-côtes libyens qui patrouillent à présent en Méditerranée et ramènent en Libye les hommes, les femmes et les enfants qui tentent de fuir les côtes africaines.
Criminalisation de ceux qui sauvent
Depuis la mise en place de cette politique, le nombre de traversées a baissé. En Libye, les ONG dénoncent une augmentation dramatique de violences, de tortures et de viols à l’encontre des migrants. Une situation inacceptable pour Pia Klemp qui considère que « les droits de l’Homme ne sont pas seulement pour notre bénéfice personnel. C’est une obligation. Si les droits de l’Homme ne s’appliquent pas à tous, ils ne s’appliquent à personne. »
Son procès pourrait durer des années et coûter des centaines de milliers d’euros. Le verdict et l’action –ou l’inaction- des pays européens par rapport à cette affaire seront révélateurs de la valeur de l’Union européenne, qui rappelons-le, a reçu le prix Nobel de la paix. Pour Pia, « le pire est déjà survenu. Les missions de sauvetage en mer sont désormais considérées comme des crimes. »
Crédit Photo à la une : Sea Watch