« Polluants éternels ». Derrière cette appellation se cache une famille de substances chimiques aux effets néfastes bien réels. Présents dans l’eau, l’air, les sols, contaminant de fait l’ensemble de la chaîne alimentaire. L’ONG Générations Futures tire aujourd’hui la sonnette d’alarme avec un rapport inédit sur la contamination aux PFAS des denrées alimentaires en Europe.
Une contamination généralisée
C’est une contamination d’une ampleur particulièrement inquiétante que l’ONG a révélé dans un rapport publié le 19 juin. Grâce aux données fournies par la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL) et par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), l’étude se concentre sur les échantillons effectués par la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark. Au total, 2 890 échantillons ont été passés au crible par l’ONG.
Résultat : 69 % des poissons, 55 % des abats et des mollusques, 39 % des œufs, 27 % des crustacés, 23 % du lait et 14 % des viandes contiennent au moins un des quatre PFAS réglementés (PFOS, PFOA, PFNA, PFHxS). En moyenne, le PFOS représente 63% de la contamination.
Des chiffres qui font tristement écho aux avertissements lancés en 2020 par l’EFSA, qui identifiait l’alimentation comme la première source d’exposition de la population générale aux PFAS.
Cette contamination est loin d’être anodine. « Les PFAS peuvent entraîner des cancers, des effets délétères sur le fœtus, des troubles hépatiques, des dysfonctionnements de la thyroïde, et également des impacts sur le système immunitaire », rappelle Kildine Le Proux de la Rivière, pharmacienne et chargée de mission scientifique chez Générations Futures.
Des limites réglementaires incohérentes et non-protectrices
Dans son rapport, l’ONG déplore le fait que les régulations – nationales et européennes – ne s’alignent pas sur les mesures indispensables pour répondre à cette contamination massive. Le règlement européen UE 2023/915 ne concerne que quatre substances de la famille des PFAS.
« La famille des PFAS, c’est plusieurs milliers de substances, mais le règlement européen n’oblige la surveillance que de trois d’entre elles : PFOS, PFA et PFHXS. Et une limite [de la concentration en PFAS] n’a été définie que pour quatre substances, donc les trois qui sont surveillées de manière obligatoire, plus le PFNA » déplore Kildine Le Proux De la Rivière.
Plus préoccupant encore : seules certaines denrées sont concernées. Aucune limite n’est fixée pour les fruits, légumes, céréales, produits laitiers, ou les aliments pour nourrissons, « alors que ceux-ci représentent une part majeure de notre alimentation, » souligne l’ONG.
Une indulgence qui s’avère particulièrement inquiétante au vu de l’étendue de la contamination. Les limites actuelles sont présentées comme « aussi basses que raisonnablement possible » par la Commission Européenne. L’ONG s’interroge, « est-ce qu’on parle là de la raison économique ou de la raison sanitaire ? »
Pour eux, cela ne fait aucun doute : la norme est construite pour ne pas entraver le commerce, non pour protéger la santé publique. « Ces limites ont été établies à des niveaux suffisamment hauts pour que très peu de produits soient retirés du marché et ainsi préserver les intérêts économiques des filières », peut-on lire dans leur communiqué de presse.
À titre d’exemple, un seul œuf conforme à la réglementation peut suffire à dépasser la Dose Hebdomadaire Tolérable (DHT) pour un enfant de 4 ans. En 2020, l’EFSA a fixé cette limite à 4,4 ng/kg de poids corporel par semaine, mais la réalité des taux autorisés rend ce seuil dérisoire.
« PFAS dans l’alimentation : agir urgemment », rapport de Générations Futures, juin 2025
Des solutions à portée de mains, mais ignorées
Face à cette situation, l’ONG formule des solutions pour pallier cette contamination :
- Réduire les émissions à la source, en interdisant strictement les rejets industriels de PFAS.
- Soutenir la proposition de restriction universelle des PFAS déposée par 5 pays européens dans le cadre du règlement REACH.
- Renforcer la réglementation européenne, en incluant davantage de substances et de denrées.
- Réviser les limites réglementaires afin qu’elle s’aligne sur la DHT et qu’elle garantisse une réelle protection pour les populations.
Et finalement, prendre des mesures de protection au niveau national, car, comme le rappelle l’ONG, « les limites actuelles au niveau européen ne permettent pas de protéger la santé des Français ».