C’est une victoire pour les associations de protection de l’environnement. Ce vendredi 19 mars, le Conseil Constitutionnel a tranché : la méthode d’élaboration des chartes locales réduisant les distances de sécurité entre les habitations et les zones d’épandage de pesticides est contraire à la Constitution. Pour les Sages, leur méthode d’élaboration n’était pas assez démocratique et aurait dû mieux inclure les habitants concernés par les épandages de pesticides. Le gouvernement français doit maintenant réviser entièrement sa stratégie.
En février 2020, 8 associations et syndicats (Générations futures, France Nature environnement, Eau et rivières de Bretagne, le collectif des victimes de pesticides des Hauts-de-France et de l’Ouest, Alerte des médecins sur les pesticides et UFC-Que Choisir) avaient saisi le Conseil d’Etat pour obtenir l’annulation de l’arrêté et du décret du 27 décembre 2019.
Dans le viseur des associations : les distances minimales à respecter entre les zones d’épandage de produits phytosanitaires et les habitations fixées par le gouvernement. Cinq mètres pour les cultures dites basses comme les légumes et céréales, et 10 mètres pour les cultures hautes, fruitiers ou vignes.
Pour les ONG et les maires anti-pesticides, ces distances étaient jugées « totalement inefficaces » et demandaient de pouvoir délimiter des zones de non-traitement (ZNT) d’au moins 150 mètres en raison de leur impact sanitaire et écologique.
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Pour obtenir les dérogations d’épandages, les agriculteurs étaient soumis à deux conditions : utiliser du matériel de pulvérisation limitant leur dispersion, et après une concertation entre agriculteurs, riverains, élus et associations dans le cadre de « chartes d’engagements » validées par les préfets au niveau des départements.
« Depuis leur introduction dans la loi EGALIM en 2018, la question des chartes permettant de déroger au socle de protection national des voisins des parcelles agricoles vis-à-vis des pesticides pose question. Sur le fond d’abord : pourquoi les distances d’épandages seraient différentes d’un endroit à l’autre alors que les dangers sanitaires des pesticides sont les mêmes ? Pour nos organisations, cette disparité sur le territoire national dans ce cadre précis ne peut pas se justifier. La priorité doit être la protection de la santé publique. » affirment les associations écolo
Ce sont ces chartes d’engagements que le Conseil Constitutionnel a jugés anticonstitutionnel aujourd’hui. Saisis par le Conseil d’Etat sur la question en début d’année, les Sages ont estimé que la concertation « ne satisfait pas les exigences d’une participation “de toute personne” » comme l’impose l’article 7 de la Charte de l’environnement. Ils ont ainsi donné raison au collectif d’associations engagées sur le sujet.
« La santé des riverains et la biodiversité autour des champs méritent mieux qu’une fausse concertation et une protection au rabais : cette décision est un soulagement. Seules des dispositions nationales cohérentes et réellement protectrices sont acceptables. Ceci ne doit pas nous empêcher d’appuyer les initiatives locales de dialogue qui ne rogneraient pas sur les mesures nationales de protection. Nos associations sont toujours prêtes à échanger, partager, construire mais il est urgent de prendre des décisions courageuses », réagissent les organisations signataires dans un communiqué.
Cette décision est un véritable rebondissement dans l’encadrement des épandages de pesticides. Les associations requérantes attendent également la suite de recours déposés devant le conseil d’état contre les textes règlementaires nationaux qui encadrent l’utilisation des pesticides en France.
Leur objectif est d’obtenir « de meilleures protections et informations des populations vivant à proximité des parcelles agricoles traitées, ainsi qu’une réelle protection des milieux et en particulier de la ressource en eau et des salariés agricoles. »
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