Hier soir, pendant plus d’une heure, en plein soirée électorale, l’antenne de France Inter a été piratée dans l’est parisien. Un enregistrement orwellien décrivant une France dystopique à la démocratie déguisée et ultra sécuritaire a été diffusé. Aucune revendication pour l’heure ! La directrice de la radio Laurence Bloch a seulement tweeté : « Nous en sommes absolument désolés et faisons tout pour comprendre ce qui s’est passé et éviter que cela se reproduise ».
Un « émetteur pirate a soufflé la fréquence de la station », une pratique interdite a rappelé la radio. Quelle que soit l’origine de l’enregistrement, il avait tout d’une des ses dystopies sécuritaires s’appuyant sur les potentielles dérives liées à l’évolution de notre société actuelle : paradigme sécuritaire et surveillance de masse accentué par le progrès technique, société du spectacle et divertissement remplaçant les médias, l’information et le débat public.
Ce discours, qu’il faut prendre de façon parodique, nous interroge sur les dérives actuelles de la société et de notre modèle démocratique, notamment à l’issue du premier tour de cette élection.
« Des électeurs qui ne sont que des téléspectateurs » et ne cessent de l’être que lorsqu’il « faut aller voter ». Des médias à l’article de la mort, symbole de la société du spectacle, qui n’assument plus leur rôle de retransmission de la campagne électorale. Des candidats qui, pour remplacer la presse, organisent des émissions en direct sur les plus grandes places de France. Des émissions retransmises “localement” sur des écrans géants auprès desquels se massent les français désireux de suivre la campagne.
Des candidats protégés par des vitres blindées, tentant « d’intéresser la foule parquée dans des fans zones ». Des chauffeurs de salles, des barrières anti-émeutes, des snipers sur les toits, des drones, des passes, des portiques.
La politique ne passe plus que par la communication, les candidats paient pour s’afficher sur des panneaux publicitaires, sur des distributeurs de liquide pour cigarettes électroniques. « Des drones traînent des banderoles de slogan » des programmes politiques. Pour contrecarrer l’abstention, à la caisse des carrefours, les citoyens peuvent voter après avoir inséré leurs cartes bancaires.
« L’élection est un concours d’autorité comme il y en a de beauté. L’autoritaire y est à son aise comme une mouche sur un cadavre. Mais la plupart des décideurs et leurs valets ne craignent que l’illusion démocratique se paie dans la rue. »
En bref, une dystopie qui décrit une politique fiction, qui n’est plus que communication et marketing, dans une société sécuritaire et surveillée. Les médias de masse, traditionnellement considérés comme des remparts démocratiques sont maintenant acquis à la société du spectacle. La violence règne de toute part.
« On croise encore au coin des rues quelques saltimbanques de gauche qui chantent les louanges de la démocratie […] Ils sont bien les seuls à y croire. En privé, technocrates et fascistes ne s’émeuvent pas plus que cela de ces élections sans campagne. Comme si tout ça changeait vraiment la donne. »
Une dystopie orwellienne et romanesque qui sonne comme un signal funeste car nous en vivons les prémices actuellement. Cette élection sans campagne, sans débat, aux paradigmes sécuritaires et autoritaires dominants, sur fond de gestion de crise permanente depuis 7 ans qui justifie les dérives anti-démocratiques, marque un tournant.
Une brève de Florian Grenon.