C’est parti ! Plastic Odyssey, un navire laboratoire de 40 mètres, a largué les amarres. A son bord, 20 membres d’équipage, un atelier de recyclage et une zone de vie zéro déchet vont faire un périple de 3 ans dans les villes les plus touchées par la pollution plastique. L’objectif : former 300 entrepreneurs du monde entier et déployer des machines de recyclage plastique low-tech grâce à des plans en libre accès.
Un laboratoire flottant de recyclage plastique
Après avoir navigué avec Corentin de Chaptelperron, et construit un déssalinisateur solaire pour le Low-tech Lab, c’est au cours d’une escale à Dakar en 2016 que Simon Bernard, un jeune officier marin, a eu un choc.
« Lors de cette escale, j’ai été frappé par la pollution plastique partout sur la côte mais aussi par la grande ingéniosité et la culture de la récup’ des locaux. A Dakar tu peux recycler des canettes d’alu pour faire des casseroles, mais le plastique est laissé de côté. Donc j’ai voulu faire la même démarche low-tech open source, mais pour le recyclage du plastique » explique Simon Bernard, co-fondateur de Plastic Odyssey, pour La Relève et La Peste
De retour en France, il embarque dans cette aventure Alexandre Dechelotte, « un copain de promo », et l’ingénieur Bob Vrignaud. A eux trois, ils décident de créer Plastic Odyssey en se basant sur un constat simple : « 20 tonnes de plastique se déversent dans l’Océan chaque minute. Une fois en mer, la plupart du plastique n’est plus récupérable ». Ils décident alors de se concentrer sur la réduction de la pollution sur Terre pour déployer sur le terrain de petites unités de recyclage plastique en container.
Selon une étude de 2015, recycler 1 déchet sur 2 dans les 32 pays les plus pollueurs permettrait d’éviter plus de 45% de la pollution de l’Océan.
Pour se faire, le trio a grossi au fil des années. Ils ont aujourd’hui 25 personnes sur le projet. Ils ont d’abord trouvé leur navire : un vieux bateau qui faisait de la recherche océanographique en Mer du Nord. Sa rénovation a pris 3 ans, ils l’ont transformé en rajoutant un pont pour l’atelier pour en faire un véritable laboratoire flottant de recyclage plastique.
A son bord : tout un panel de machines de recyclage low-tech pour traiter les déchets plastiques. Parmi ces machines, la pyrolyse embarquée sera utilisée lors des escales pour produire du carburant consommable directement à bord.
En finir avec la « civilisation du plastique »
Pour créer leurs machines, l’équipe de Plastic Odyssey s’est inspirée de ce qui marchait déjà sur le terrain.
« Comme ce qui est utilisé au Caire typiquement ou un peu partout en Afrique : un broyeur qui transforme les déchets en paillette de plastique et ensuite on fond le plastique. Pour l’instant, dans le monde entier, le plastique est fondu avec une simple marmite et un feu de bois la plupart du temps, ce qui crée une pollution terrible, c’est vraiment ce qu’on cherche à éviter » détaille Simon Bernard, co-fondateur de Plastic Odyssey, pour La Relève et La Peste
C’était le cas de Mariam Mohamed Teika, la fondatrice de la PME Guinéenne BGS Recyplast, une véritable « recycleuse autodidacte ». Pour lutter contre le plastique qui envahissait son quartier, elle a cherché à le transformer. A l’arrière de son jardin, elle a mis au point une recette mêlant plastique fondu et sable pour en faire des pavés pour les trottoirs et chaussées de Conakry. Une fois le mélange parfait obtenu, elle a lancé son activité et embauche aujourd’hui 9 personnes, principalement des femmes de son quartier.
« C’est moi qui ai contacté Plastic Odyssey en découvrant leur fabuleux projet. On avait une petite unité qui ne répondait pas à tous les besoins de nos clients. La Guinée est un pays qui utilise beaucoup de plastique et nous voulons mettre en place la 1ère unité industrielle de transformation de déchets plastiques » explique cette cheffe d’entreprise respectée pour La Relève et La Peste
Grâce au container de recyclage qui sera livré par Plastic Odyssey, Mariam va pouvoir passer de 200 à 1000 pavés construits chaque jour.
Parti de Marseille ce 1er octobre, Plastic Odyssey va d’abord faire escale à Beyrouth, au Liban. L’équipage ira ensuite à Alexandrie, en Egypte, puis en Tunisie, au Maroc et au Sénégal. Ils feront 30 escales en trois ans entre l’Afrique, l’Amérique et l’Asie. Plastic Odyssey veut former une dizaine d’entrepreneurs dans chaque pays.
« Les déchets plastiques sont triés par infrarouge. On va former des gens capables de reconnaître les différents types, les alliages étant les plus complexe. Comme on ne peut pas transporter 30 containers, on a 1 exemplaire de toutes les machines à bord et en parallèle de ça, on construit ces micro-usines pour aller les installer. On veut en faire 15 ans en 3 ans mais il ne s’agit pas de dons : quand on donne quelque chose il n’a plus forcément de valeur et on veut plutôt inciter les gens à être autonomes et construire eux-mêmes les unités de recyclage, vendre les containers à terme à des entrepreneurs (dix associés) ou des associations comme au Togo avec Entrepreneurs du Monde et s’adosser à des partenaires qui font du micro crédit. On ne veut pas que les machines deviennent de simples démonstrateurs mais qu’elles aient une réelle utilité sur le terrain » précise Simon Bernard, co-fondateur de Plastic Odyssey, pour La Relève et La Peste
Durant ces trois ans, le deuxième volet de leur action consiste en de la sensibilisation sur la réduction de l’usage du plastique à travers l’éducation, des programmes pédagogiques dans les écoles, un grand village d’exposition et un programme de recherche en sciences sociales et comportementales. L’objectif : définir comment sortir de la « civilisation du plastique ».