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« Pas d’écran avant six ans ! » : l’urgence pour la santé des enfants

« Les six premières années de vie, les enfants sont dans la découverte du monde. Et on n'apprend pas la vie à travers des écrans. Un enfant apprend à parler en voyant, en écoutant, en touchant. Il a besoin d’écouter des histoires, de rigoler, d’écouter de la musique, de danser… »

Les experts en psychiatrie de l’enfance lancent l’alerte. « Les activités sur écran ne conviennent pas aux enfants de moins de 6 ans : elles altèrent durablement leurs capacités intellectuelles ».

Les dangers des écrans sur les enfants

En avril, plusieurs sociétés savantes*, dont la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et disciplines associées (SFPEADA), ont adressé une lettre au gouvernement afin de faire part de leur inquiétude sur l’exposition aux écrans des jeunes enfants, dans une lettre restée sans réponse.

Un an plus tôt, la Commission écrans, co-présidée par Servane Mouton, neurologue, et Amine Benyamina, psychiatre addictologue, rendait ses conclusions au président de la République et préconisait de ne pas exposer les enfants de moins de 3 ans aux écrans et de déconseiller leur usage jusqu’à l’âge de 6 ans.

Ces recommandations s’appuient sur des preuves de plus en plus importantes de l’effet néfaste des écrans chez les enfants. Leur utilisation favorise les déficits de sommeil, le manque d’activité physique, la sédentarité et l’obésité et augmente ainsi le risque de pathologies chroniques associées.

L’augmentation du risque de myopie et d’autres problèmes de la rétine est également démontrée. Concernant l’impact sur le neurodéveloppement, les études sont encore à approfondir.

Une méta-analyse parue dans la revue médicale JAMA Psychiatry en 2022 portant sur l’exposition aux écrans des enfants de 0 à 12 ans a convaincu Bruno Falissard, président de la SFPEADA (SFPEADA), de l’urgence de tirer la sonnette d’alarme.

« C’est une revue de très grande qualité, qui résume plus de 80 études et inclut plus de 150 000 enfants. Elle montre des difficultés attentionnelles chez les enfants exposés », décrit le pédopsychiatre Bruno Falissard pour La Relève et La Peste.

« Or qui dit déficit attentionnel (TDAH) dit potentiellement médicament. On court à la catastrophe si à cause de l’exposition précoce aux écrans, on nous envoie des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers d’enfants pour un TDAH avec une demande de prescription de méthylphénidate (Ritaline). »

La technoférence ou manque de disponibilité des parents

Pour les professionnels de la petite enfance, l’impact des écrans est flagrant.

« Les enfants de moins de 3 ans fortement exposés aux écrans sont communiquent peu, ont le regard fuyant, peuvent avoir un retard de langage, ont dû mal à gérer la frustration, ont des troubles de l’attention, un imaginaire peu développé… », témoigne Julie Frydzinski, éducatrice de jeunes enfants à la Ville de Paris, pour La Relève et La Peste.

« On voit une nette différence entre ceux qui sont exposés aux écrans chez eux et ceux qui ne le sont pas. »

Ce qui inquiète aussi le pédopsychiatre, ce sont les effets à moyen et long terme de ce qu’on appelle la « technoférence », « un néologisme pointant les interférences dans la relation parent (ou adulte référent)-enfant/adolescent, générées par l’usage de l’écran par le parent en présence de l’enfant/adolescent », définit la Commission.

L’adulte, constamment interrompu par ses propres usages des écrans, n’est pas pleinement disponible pour des interactions de qualité avec son enfant. Ainsi, les adultes doivent montrer l’exemple et être vigilants en utilisant leur smartphone ou la télévision devant leurs enfants.

« Les interactions humaines sont ultra-importantes avant 3 ans. Et les six premières années de vie, les enfants sont dans la découverte du monde. Et on n’apprend pas la vie avec des écrans. Un enfant apprend à parler en voyant, en écoutant, en touchant. Il a besoin d’écouter des histoires, de rigoler, d’écouter de la musique, de danser… », souligne Bruno Falissard.

« Dans l’idéal, il ne faut pas exposer un enfant de moins de 6 ans aux écrans. »

Même son de cloche du côté de Julie Frydzinski qui appelle à ne pas culpabiliser les parents et recommande d’éviter les rituels et les habitudes liés aux écrans, « afin que l’enfant ne soit pas dans l’attente. »

« Un parent peut parfois avoir besoin de mettre son enfant 5 minutes devant un dessin animé pour prendre sa douche de manière apaisée plutôt que de s’énerver contre son enfant. Mais le contenu doit être adapté à l’âge de l’enfant. »

La qualité du contenu est importante et certains contenus dits pédagogiques peuvent être intéressants. Mais ce qui est essentiel, selon le pédopsychiatre, « ce sont aussi les modalités d’exposition. Lorsqu’un enfant est exposé aux écrans en étant accompagné d’un adulte, cela change tout ».

Une injustice sociale

À l’hôpital Jean-Verdier (AP-HP) de Bondy (Seine-Saint-Denis), une consultation hospitalière est dédiée aux enfants de moins de 11 ans surexposés aux écrans.

« Ces enfants présentent des troubles des interactions, des retards, voire des absences de langage, des troubles de l’humeur et des troubles du sommeil. Le sevrage et un soutien à la parentalité permettent pour nombre d’entre eux une amélioration des symptômes », indique Sylvie Dieu Osika, la pédiatre qui a créé cette consultation, sur son compte LinkedIn.

Plus la prise en charge est précoce, plus les effets des écrans sont réversibles.

« Les enfants sont beaucoup plus plastiques que les adultes, ils ont des capacités d’évolution ultrarapides et beaucoup plus puissantes que nous », souligne Bruno Falissard. « Chez les enfants, des troubles anxieux ou dépressifs par exemple peuvent être résolus en quelques séances. »

Bruno Falissard en appelle à une prise de responsabilité collective. « Ne pas lutter contre l’exposition des enfants aux écrans est une injustice sociale », estime-t-il. « En tant que professionnels de l’enfance, c’est notre responsabilité d’être le porte-parole des enfants. »

Depuis le 3 juillet, les écrans sont officiellement interdits dans les lieux qui accueillent des enfants de moins de trois ans, individuels ou collectifs, une mesure préconisée par la Commission écrans. 

*Société française d’ophtalmologie, Société française de pédiatrie, Société française de santé publique, Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et disciplines associées et Société francophone de santé et environnement

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Charlene Catalifaud

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