Après des mois de revendications, la CIWF (Compassion in World Farming ou Compassion dans l’élevage industriel) vient d’obtenir un avis du Parlement européen en faveur de la fin des lapins en cage. C’est une véritable victoire pour l’amélioration de la condition animale.
Une exploitation trop peu connue
Le mot « lapin » évoque un animal mignon, doux, joyeux, malicieux ! Un peu comme celui qui nous est décrit dans les contes et les dessins animés. Seulement, ce à quoi on ne pense pas, ce sont aux 320 millions de lapins nés en cage métallique, suspendus au-dessus d’un épais tapis de poils blancs, d’excréments et de cadavres de leurs congénères. Voici le dessin : l’Union européenne est le 2ème producteur mondial de viande de lapin derrière la Chine, 80 % provient d’Espagne, d’Italie et de France.
Notre beau pays comptant à lui tout seul 37 millions de lapins d’élevage sont tués pour leur chair chaque année malgré une consommation très faible et en diminution (55 tonnes, soit à peine 1 % de la viande consommée en France chaque année). Les conditions vécues par ces petites boules de poils en ferme d’élevage ou d’engraissement sont déplorables ; nés dans des petites cages métalliques grillagées hors-sol, les animaux y restent entre 60 et 80 jours avant leur abattage – les lapines reproductrices inséminées régulièrement après chaque naissance sont isolées du reste du groupe pendant 1 à 2 ans jusqu’à leur « réforme », soit leur abattage. Au-delà de ces conditions de vie désastreuses, les lapins sont gavés d’antibiotiques pour éviter les épidémies dues à l’exiguïté dans laquelle ils « évoluent ». Si les dérives de l’élevage industrielles sont connues et combattues par de nombreuses associations et entités environnementales, ainsi que par l’opinion publique, la condition des lapins était jusqu’ici plus ou moins ignorée. L’élu allemand Stefan Eck (gauche unitaire européenne/gauche verte nordique), rapporteur de la résolution en question expliquait qu’ « il existe des normes réglementaires pour protéger les porcs, les veaux, les poules pondeuses ou les poulets de chair. Mais pas une seule ne concerne la protection des lapins ».
Une résolution adoptée grâce à la mobilisation citoyenne
« Les pétitions, on en voit partout, on en signe des dizaines, mais cela ne sert à rien ! » – si vous vous êtes déjà entendus dire cette phrase, ravisez-vous. En effet, ce qui a forcé l’attention de Bruxelles, c’est la pétition de plus de 600 000 signatures remise en mai 2016 par la CWIF lors d’une manifestation pacifiste. Environ 50 activistes déguisés en lapins se sont rendus à Bruxelles pour faire valoir la pétition, plusieurs ministres sont venus la prendre en mains propres dont le ministre de l’agriculture des Pays-Bas, qui préside l’Union européenne. Une fois la pétition remise au Conseil des ministres de l’agriculture de l’UE, le député européen Stefan Eck a méticuleusement rédigé un rapport dans le but de demander à la Commission d’élaborer une législation sur l’amélioration des conditions de vie des lapins d’élevage industriel. Ce rapport a été accepté et discuté au sein de la Commission d’agriculture du Parlement européen avant d’être soumis au vote de l’ensemble des députés ce mardi 14 mars. Ce vote des députés européens en séance plénière va permettre d’élaborer des « normes minimales » pour améliorer le bien-être des lapins et surtout la suppression progressive des cages.

« C’est une victoire formidable, un changement de paradigme. Ce combat était difficile car les lapins sont souvent associés aux clapiers. Mais les cages sont bien pires. Nous nous réjouissons que le texte parle de leur fin progressive et non de leur aménagement. »
Cages contre parcs : limites
La solution envisagée par la Commission est celle d’éliminer progressivement – sans date butoir cependant – la vie en cage hors-sol en faveur « d’autres méthodes d’élevage telles que les systèmes de parcs qui prévoient un espace suffisant par lapin et dans lesquels les lapins peuvent être élevés en groupe ». Les éleveurs concernés bénéficieront par ailleurs d’un soutien dans le cadre de la PAC (politique agricole commune). Léopoldine Charbonneaux, la directrice de CIWF France est ravie malgré le manque de date butoir, qui correspond à la prochaine étape « C’est une victoire formidable, un changement de paradigme. Ce combat était difficile car les lapins sont souvent associés aux clapiers. Mais les cages sont bien pires. Nous nous réjouissons que le texte parle de leur fin progressive et non de leur aménagement. »
Malheureusement, l’application de cette résolution semble peu punitive, l’exécutif n’ayant pas prévu de s’impliquer. Vera Jourova, Commissaire chargée des consommateurs a rappelé que les lapins étaient déjà protégés par une directive du Conseil concernant l’ensemble des animaux dans les élevages datant de 1998. Au vu de l’état actuel des élevages, il semble que cette directive n’ait pas grand effet dissuasif envers les éleveurs. Si l’interprofession française n’a pas clairement exprimé de réticence face à ce texte, elle grince des dents en rappelant toutes les limites du système de parcs qui « n ‘est pas encore abouti, et qui peut engendrer des risques de blessures pour les lapines lors de la mise bas et de la lactation, car elles sont soumises à l’agressivité de leurs congénères.
Surtout, ils sont préjudiciables à la pérennité de notre filière. Ils entraînent un surcoût de l’ordre de 30 % pour l’éleveur, qui se répercute sur le prix de la viande. Or, nous n’avons pas l’assurance que les consommateurs sont prêts à le payer pour le bien-être animal » explique Dominique Le Cren (interprofession française). Seulement, est-ce que parler de surcoût lorsqu’on a baissé la facture du consommateur au maximum, qu’importe le prix à payer pour les animaux exploités, est bien sérieux ? Est-ce que parler de coûts, de moyens, d’investissements est pertinent lorsque cela implique un recours à un irrespect total de la vie animale ou humaine ?
Quoi qu’il en soit, c’est un vrai pas en avant pour la condition des lapins d’élevage industriel. Les choix de consommation de chacun comptent. Les signatures sur les pétitions pèsent dans la balance. Les conditions de production de chaque secteur ont le potentiel d’évoluer à une condition : qu’on le veuille bien.
Sources : Le Monde / CWIF / Rapport présenté au parlement européen / ANSES

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