Lorsque quelqu’un nous offense ou nous fait du mal, il nous parait légitime de penser que celui ou celle qui est responsable de notre souffrance ne mérite pas notre pardon. Bien souvent, la règle d’or « œil pour œil, dent pour dent » plaide l’égalité des blessures assignées. À ce propos, Gandhi nous invite à changer notre fusil d’épaule, car ce bon vieux règlement de compte ne produit que deux choses : « des éborgnés et des édentés ».
Le pardon n’est pas toujours une mince affaire. Parfois même, le ressentiment est tel qu’il produit en nous un désir de « punition » difficile à réfréner. Qui n’a pas déjà entendu dans son entourage l’excuse répandue et pourtant malavisée : « Je ne veux pas pardonner car je ne veux pas oublier ! » Bien au contraire, le pardon est l’antithèse de l’oubli car si l’on oublie le tort qui a été fait, alors il n’y a plus rien à pardonner. Il ne s’agit pas de « passer l’éponge » mais de « tourner la page ». Hier était hier et nous étions autres. De cette façon l’événement reste dans nos archives sans monopoliser notre disponibilité mentale. En effet, tant que nous nourrissons colère et rancœur, nous nous polluons émotionnellement. Comment pouvons-nous vivre pleinement le présent si une partie de notre conscience alimente des culpabilités ou des rancunes qui appartiennent au passé ?
Pour autant, on ne pardonne pas sur un coup de tête ou dans le feu de l’action. L’offense s’assimile à une « blessure de l’ego » qui a besoin d’être digérée avant de murir dans le pardon. Il existe donc une phase de ressentiment qu’il faut apprendre à traverser. À terme, refuser d’être rongé par la colère est une façon de s’apaiser intérieurement et de pacifier sa relation avec autrui. En son temps, Victor Hugo s’exclamait simplement : « Le pardon, quel repos ! ». Précédé par le sourire qu’on lui connait, Nelson Mandela, alias « Madiba », se plaisait à le dire à sa façon : « le pardon est une libération de l’âme ».

Parmi les « Quatre accords Toltèques » enseignés par Don Miguel Ruiz, la deuxième étape vers la voie de la liberté personnelle peut aisément se relier à la question du pardon. Ce précepte s’intitule « Quoi qu’il arrive, n’en faites pas une affaire personnelle ». Késako ? Si on se fie aux paroles de l’auteur, les propos qui nous sont adressés ne nous blessent pas. Ce sont nos propres plaies intérieures qui réagissent lorsqu’elles sont touchées par ces propos. « Si quelqu’un vous donne son opinion, n’en faites pas une affaire personnelle, parce qu’au fond cela n’a rien à voir avec vous. Vous n’êtes aucunement responsable de ce que les autres pensent, leur opinion ne dépend que d’eux-mêmes. En faisant une affaire personnelle de tout ce qui vous arrive, vous devenez une proie facile. Vous vous condamnez à ingurgiter toutes les ordures émotionnelles des autres, de ceux qui vous administrent du poison par leur parole. Mais si vous ne prenez rien personnellement, vous êtes protégés tout en étant au beau milieu de l’enfer. »
En cela, le deuxième accord Toltèque vient en amont de la situation de conflit, et il la désamorce. Le pardon se meut en acceptation de soi et de l’autre, « chacun vit dans son propre rêve, dans sa propre tête ».
Deuxième méprise ou abus de langage : « Je ne veux pas pardonner car je ne veux pas me réconcilier ! ». Le pardon n’implique pas forcément la réconciliation. Disons que c’est une autre histoire. Pour se réconcilier il faut être deux, ce qui complique déjà la tâche. D’autre part, le pardon est une démarche introspective et personnelle. C’est quelque chose qui nous appartient, et à la fois c’est un poids dont on se déleste. André Chamson s’aventurait même à dire : « rien n’est peut-être plus égoïste que le pardon ». Néanmoins, en remontant jusqu’aux racines étymologiques, on se rend compte que « pardonner » est issu du latin « perdonare » et qu’il signifie fondamentalement « faire don ».
« Le pardon existe précisément pour pardonner ce que nulle excuse ne saurait excuser. » Vladimir Jankélévitch

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