D’après un article publié par le Canard Enchaîné, Bernard Arnault, le PDG de LVMH, n’aurait pas vraiment apprécié les révélations du Monde concernant ses placements offshores dans le cadre des Paradise Papers. Pour corriger l’écart de conduite du journal, celui-ci aurait dit vouloir retirer les annonces de l’enseigne de luxe, soit un manque à gagner de 600 000 euros pour le journal d’après les estimations du Canard. Ces informations ont très récemment été infirmées par le porte-parole du groupe qui parle de « rumeurs fantaisistes ». Mais là où eux parlent de fantaisie, nous voyons plutôt un nouvel exemple d’un type d’attitude qui semble symptomatique du monde médiatique en France aujourd’hui…

Derrière les portes du Paradis

Le 5 novembre dernier, le Consortium international des journalistes commençait la distillation des premières gouttes de la nouvelle « fuite » de données (en réalité un hack) concernant les montages financiers offshores menés par les champions de l’optimisation fiscale. Parmi les noms dévoilés, ceux de Bernard Arnault – PDG de LVMH – et de Xavier Niel – gendre de Bernard Arnault et propriétaire du journal Le Monde. Or c’est dans ce même journal que paraissait le 11 novembre un article édifiant sur « le puzzle de la fortune offshore du patron de LVMH, qui a placé des actifs dans six paradis fiscaux différents », faisant suite à un article (moins compromettant) sur la détention par Xavier Niel d’un yacht enregistré à Malte.

Bernard Arnault, citoyen modèle

Après la parution de ces papiers, Bernard Arnault s’était défendu – comme la plupart de ses confrères dont le nom apparaissait dans la longue liste des Paradise Papers – d’avoir commis une quelconque infraction à la loi et avait dénoncé « une opération journalistique » montée pour « créer une sensation ». Il avait par ailleurs rappelé à l’AFP qu’il « figure parmi les premiers contribuables français et que le groupe LVMH, dont il est le principal actionnaire, verse plus d’un milliard d’euros d’impôts en France annuellement. » De quoi se plaint-on ? De la simple défiscalisation d’une villa de 4 300 mètres carrés et d’un yacht de 101 mètres de long ? Ingrats que nous sommes…

Qui s’y frotte s’y pique

Ainsi, Bernard Arnault se retrouvait en proie à la critique injuste, si ce n’est erronée, d’un média sur lequel il pensait avoir une emprise quasi-totale. En effet, entre son gendre, Xavier Niel qui est copropriétaire du groupe Le Monde, et lui-même qui est l’annonceur publicitaire majoritaire et le plus rentable du journal, rien ne laissait présager un tel affront. C’est pourquoi l’article du Canard Enchaîné publié ce mercredi annonçant la volonté de Bernard Arnault de retirer toutes les publicités du groupe LVMH du journal semblait s’inscrire dans la continuité logique de cette affaire. Priver le journal de 600 000 euros de revenus de publicité semblait être la punition adéquate pour faire goûter aux dissidents le goût amer de l’insubordination.

Xavier Niel, le gendre idéal…

Pourtant, contacté par l’AFP, un porte-parole du groupe a démenti ces accusations, évoquant des « rumeurs fantaisistes » et niant toute « coupure totale des investissements publicitaires dans Le Monde ». On ne sait plus où donner de la tête. Puis on apprend dans un même élan que le groupe LVMH était de toute façon en train de réfléchir « depuis plusieurs mois pour ces titres comme pour d’autres sur la réduction des investissements publicitaires dans les médias classiques, et sur l’augmentation des budgets dans les médias digitaux et plus en croissance. » Voilà qui tombe bien : l’écart de conduite des journalistes du monde va donner l’appui nécessaire pour que LVMH vienne parasiter les médias digitaux et développer ses canaux d’influence – une aubaine.

Reste à voir si la publicité des membres du groupe LVMH sera encore présente au milieu des feuilles du Monde dans les semaines à venir. Quoi qu’il en soit, il faut s’attendre à ce que le groupe parte à la conquête de nouvelles terres, plus prometteuses, plus généreuses, plus serviles peut-être. Une affaire qui rend encore un peu plus saillante l’importance de la lutte pour l’indépendance des médias.

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