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« On ira jusqu’à la mort s’il le faut » : des urgentistes s’injectent de l’insuline pour faire plier le gouvernement

Au total, plus de 400.000 lits d’hospitalisation ont été supprimés, un fait inédit, selon un rapport publié le 3 juillet 2019 par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Et cela alors qu’en 2017, les services d’urgences hospitalières ont enregistré un nouveau record de fréquentation avec 21,4 millions de passages, soit une hausse de 2,1% en un an.

Au bout de 4 mois de mobilisation, le mouvement de grève des urgences a pris un virage radical ce mardi 2 juillet. Pour faire entendre leurs revendications, une dizaine de personnes se sont injecté de l’insuline à plusieurs reprises avant d’être stoppées par les policiers. Ce geste potentiellement mortel traduit la gravité de la situation.

L’insuline comme symbole des drames vécus à l’hôpital

Après quatre mois de mobilisation, ce sont maintenant 154 services des urgences qui sont en grève dans toute la France. Pour dénoncer le manque dramatique de moyens humains et matériels, les différents services ont organisé une grande manifestation nationale mardi 2 juillet.

Crédit photo : Samuel Boivin / NurPhoto via AFP

Après un dialogue sans effet au Ministère de la Santé, treize urgentistes se sont injectées de l’insuline à cinq reprises, avant d’être arrêtés par les CRS. Quand la personne n’est pas diabétique, des injections d’insuline répétées peuvent être mortelles. Si ce geste a été décrié par certains soignants, il est pour d’autres un symbole fort des drames qui se jouent quotidiennement dans nos hôpitaux.

« Oui, cette action peut être perçue comme radicale. Mais quand on voit le mépris de l’Etat et la dégradation extrême de nos services hospitaliers, c’est là où se trouve la violence. On demande des entretiens, on organise des marches, on fait grève avec un brassard (en devant continuer à travailler) et rien ne bouge. Alors si les piqûres d’insuline peuvent montrer la gravité de la situation, ils ont eu raison de le faire. D’autres font bien des grèves de la faim. Quand bien même ils mettraient leurs vies en danger, quelle est la différence avec tous les soignants qui ont fini par se suicider, épuisés par des conditions de travail indignes et dangereuses ? » témoigne Maéva, infirmière dans un service de réanimation pédiatrique au CHU de Grenoble, pour La Relève et La Peste

En novembre 2017, le CHU de Grenoble avait été ébranlé par le suicide de Laurent S., un brillant neurochirurgien de 36 ans, dévoué à son travail et très apprécié par ses collègues et patients. Laurent était passé à l’acte dans un bureau jouxtant le bloc opératoire de l’hôpital. A ses côtés, il avait été trouvé une seringue contenant un mélange de curare et d’insuline.

Une volonté de diviser le mouvement par régions ?

Au total, plus de 400.000 lits d’hospitalisation ont été supprimés, un fait inédit, selon un rapport publié le 3 juillet 2019 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Et cela alors qu’en 2017, les services d’urgences hospitalières ont enregistré un nouveau record de fréquentation avec 21,4 millions de passages, soit une hausse de 2,1% en un an.

Les deux premiers mois, le gouvernement n’avait pas réagi face à la grève des urgentistes. Lors des premiers arrêts maladie des soignants les plus éprouvés, la Ministre de la Santé Agnès Buzyn les avait même accusés de mettre en danger leurs collègues de travail. Pourtant, si le système hospitalier a tenu jusqu’ici c’est parce que le personnel soignant est constamment obligé de faire des gardes de dernière minute pour pallier au manque de personnel.

Le collectif « Inter-urgences », ainsi que les syndicats CGT, Solidaires et FO, réclament 10 000 postes d’infirmiers et aides-soignants, avec une prime de 300 euros nets par mois. Il y a deux semaines, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, avait annoncé qu’un budget de 70 millions d’euros serait engagé pour décharger le personnel.

« La question aujourd’hui est de réellement débloquer des moyens pour remettre l’hôpital, les Ehpad, notre système de santé sur de bons rails. Ce qu’on demande aujourd’hui, ce n’est pas l’aumône de 70 millions proposée par la ministre, c’est qu’on supprime la taxe sur les salaires qui est un impôt injuste prélevé sur l’hôpital. C’est 4 milliards d’euros et c’est le ballon d’oxygène dont nous avons besoin pour embaucher, investir, rouvrir des lits et augmenter les salaires. » témoigne Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des Médecins Urgentistes de France, au micro de L’Humanité

Plus préoccupant, les aides ne sont pas accordées de façon équitable à l’ensemble des services en grève. Alors que Martin Hirsh, le directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), a promis 230 postes (pour 360 demandés), et prime une prime supplémentaire de 56 euros, d’autres services ne voient rien venir comme à Creil ou à l’hôpital Alpes-Léman où d’autres lits vont être supprimés pendant l’été.

Crédit photo : Riccardo Milani / Hans Lucas via AFP

« Ils tentent de séparer Paris du reste du mouvement. Mais personne n’est dupe, et puis ils sont tombés sur des fortes têtes… » a confié une source syndicale au journal indépendant Bastamag. En ramenant les négociations à un niveau plus local, le gouvernement pourrait ainsi diviser pour mieux régner, et désamorcer le mouvement national.

« On résiste parce qu’on pense que la santé est un bien commun, la santé est d’intérêt général. Il faut se battre pour une qualité de soins, une qualité d’accès pour chacun d’entre nous. Egalitairement, quel que soit l’endroit où on travaille, quel que soit l’endroit où l’on habite sur le territoire. Pouvoir accéder à une santé publique, de qualité et de sécurité. » confirmeOlivier Youinou, Secrétaire Général Sud-Santé au micro de L’Humanité

Le mouvement est bien décidé à maintenir la lutte. Pas de pauses estivales à l’hôpital, les patients doivent pouvoir être pris en charge toute l’année.

Crédit photo à la une : Florent Vannier / Hans Lucas via AFP

Laurie Debove

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